mardi 30 juin 2015

Avis aux amateurs !....

À voir dans 2 jours dans le ciel du soir... qui devrait être dégagé vu la canicule !..


lundi 29 juin 2015

Le site de rencontres -1


Je l’avoue, quelque ennui que cela m’occasionnera, je vais sur un site de rencontres. Pourquoi ? Mais, pour savoir si la dame de mes pensées existerait bien. 
Moi ? Mais, j’en suis convaincu. Suffirait juste de se donner les moyens pour la trouver.
Je vous vois sceptiques, ergotant ceci et cela, tout en peut-être. Et vous-vous dites : pourquoi pas, quoique... Mais, non !  Impossible.
Pourtant, la femme de mes pensées doit bien exister, et j’en veux pour preuve que la vie n’est qu’un songe éveillé. Ah !  Voyez. Croyez-vous vivre une réalité ? Mais, non : vous rêvez.
Que dis-je : nous ne faisons que rêvasser bêtement.

Toute recherche ne peut faire fi d’hypothèses, de présupposés. Aussi, tant que nous ne tenterons pas d’en démonter soit le bien fondé, en y extrayant des règles, soit en fermant les portes pour en démontrer l’impossibilité… et même encore, nous continuerons la recherche de cette perle rare, la prunelle de nos yeux.

Pardon, Fanny, je ne voulais pas te faire de peine. Mais, dis-moi, sais-tu être la dame de mes pensées ? Et qui te permet de le croire ? Et, c’est pourquoi, vois-tu, la recherche de la femme de ma vie se doit être scientifique. Posons nos hypothèses, nôtre cadre de travail et nos critères d’analyse. Soyons cartésiens et allons aux présupposés :

-: toute femme est faite pour plaire à un homme. Ou à une seule femme. Ou à tout un chacun, et la réside la renommée ou un grand malheur pour elle. Pour lui aussi.
-2 : toute femme divorcée est réputée « répudiée » pour de multiples raisons. Dont la laideur ? Admettons.
-3 : seules les veuves seraient belles car elles n'auraient pas été « répudiée ». Oui mais, l'auraient-elles été si le défunt n'avait pas « défuncté » ? Et puis, n'auraient-elles pas participé à la réduction de la vie de l’époux ?
-4 : tout vieil homme se sait, se veut et se voit toujours jeune.
-5 : seule la jeunesse est belle et seule bandante.
-6 : tout homme riche a le droit de s’acheter une nouvelle jeunesse. Bien jeunette ? S'il en a les moyens.
-7 : les pauvres  et les vieux démunis ne peuvent espérer...

Admettons que le principe de réalité absolu veut que tout homme a droit à l’octroi d’une femme. Pardon ? Mais, vous ne pouvez l'empêcher ! La réciproque ? Vraie, depuis peu. Ajoutez à ce principe intangible que jeunesse démunie se marie à merveille avec vieillesse bien nantie.

-Oui, mais non Gilou… Ne cherches plus, je sais que tu l'a déjà trouvée, la femme de tes pensées, ta Fanny.
Ici, vous remarquez la griffe moqueuse de René…
-Pas gentil, mon pote, pas gentil. Qu'en sais-tu, René ?
-Mais, qu’est-ce que tu vas encore t’encombrer à ton âge, mon vieux. Pour ce que tu en ferais.
Là, vous notez la gentillesse de Pierrot qui me connaît bien. Salaud de Pierrot, va !
-A nos âge, mon vieux, t’as pas honte à vouloir courir la gueuse ? La faire grimper aux rideaux ? Ah, je rigole et je t'y vois, tiens, tout suspendu !
C’est Rolando, Rolando le merveilleux.

-Mais, non. T'as raison : la vie fait espérer. Et plus tu chercheras la nana de tes pensées, et plus tu resteras jeune, beau, et bien bandant. Parole d'honneur !
Là, c’est Youssef au téléphone, de sa belle province du Canada.

-Oui, mais, Youssef, tu crois que m’inscrire sur un site de rencontres, c'est bien ? Et Fanny…
-Pourquoi pas ? Et imagine que tu y rencontres Fanny sur ce même site ? Ce serait le pied. La femme de tes pensées, la Fanny.

-Vas-y, mon p’tit père, et raconte-nous le site de rencontre, qu'on rigole. Et du salasse, et du cul, je veux !
Là, c’est Américo qui aime mes couillonnades, comme il dit si bien.

Bon.. j'y suis allé, sur le site, et j'ai payé mon écot ! 
A plus, les amis !

vendredi 26 juin 2015

Lobo rayé des cadres - 8


Dans mon petit fort, éviter le Commandant était manœuvre facile sauf dans le tunnel où le gigantesque animal, tout de bleu vêtu se voyant de loin m'aurait fait une belle cible amie par temps de guerre.

Comme nous tous, les rancuniers, je savais que Mr le Commandant, qui avait le bon droit pour lui, cherchait à se donner bonne conscience. Le déclencheur de sa mauvaise action légale il le découvrit dans un colonel qui, après avoir salué le capitaine responsable de l'Etat-major, vint au service météo, vit Lobo couché à mes pieds et me demanda s’il pouvait le prendre avec lui dans l’amphi souterrain.

Sa visite terminée, ce colonel remonta avec son aide de camp, me rendit mon chien et s’enquit de la route aérienne pour Reims.
Mon remplaçant cartographe arrivé, je descendais le long tunnel vers la sortie avec le colon devant, Lobo en laisse et le pitaine. Arrivé à la chicane du tunnel, nous rencontrâmes mon ami Commandant, que le capitaine salua et qui, en retour, nous gratifia d’un vigoureux coup de raquette réglementaire que le colon lui rendit plus mollement pour ensuite lui serrer la main et le retenir pour bavarder quelques instants.
Moi, décalotté comme tout berbère qui se respecte, je fis un tête-gauche militaire puis inclinais le chef tout ce qu’il y a de plus civil.
Je vis que cela ne plut pas au Commandant qui ne fit aucune remarque devant le colon.

Le lendemain, je fus convoqué par l’officier supérieur qui me notifia que mon chien était PNG (persona no grata) comme tous civils dans l’enceinte des forts (nonobstant ceux affectés au service de l’Armée).
-Mais, mon Commandant, pour le ramener au Vigan, il me faut des jours de permission.
-Vous vous présenterez aux Effectifs. Ils sont prévenus. Prenez  8 jours pour dégager ce chien.
- Mais… je n’ai plus d’argent sur mon compte pour le billet de train.
-Voyez avec les Effectifs. Dès lundi, vous vous présenterez, en tenue, au poste de garde, vôtre chien tenu en laisse. Sans faute !
Il faut dire à la décharge de cet animal que Lobo lui avait exprimé et bien marqué, à ce qu’on m’a dit, son respect profond, dents sur babines retroussées avec sourd grondement.

Le commandant de Fort oublia de me dire, qu’à mon retour, je devais vider le fort Coligny (du nom d’un amiral protestant assassiné à la St Barthélémy… était-ce lui ou un de ses adversaire catholique qui avait donné son nom au fort ?) oui, je devais vider les lieux car le « patron » désirait ne plus apercevoir la mauvaise tenue de l’armée française que je représentais aux yeux de tous nos visiteurs, l’uniforme primant le travail dans l’armée française, on le sait bien.
Et moi, j’étais muté sur un plateau lorrain désolé battu par les vents, au fortin du Services des Transmissions de l’Etat-major, le fort de Mourmansk, un alias, qu'on se rassure.

Le vrai nom du fort est celui d’une ville russe brûlée par Napoléon* mais j’ai juré de fermer ma grande gueule pour ne pas aider les ennemis de la France, dont les ricains qui nous espionnaient durant mon Service Militaire et qui, 50 ans plus tard, en 2015, croient toujours que nos présidents français ne sont pas des patriotes mais de bons jihadistes, si j’ose m’exprimer ainsi.
Et dire que nous sommes les meilleurs amis des USA. On n’ose le croire !
*Ndlr, Gilou voulait-il dire : "brûlée par la faute de Napoléon"? Sans nul doute !

Le commandant ne voulait plus me voir ? Qu’à cela ne tienne : moi non plus, je ne l’aimais pas, et penser à toujours l’éviter m’avait donné un de ces torticolis. Même, et même que je n’avais plus envie de lui tracer la moindre carte météo à cet animal. Parole d’honneur.

Et voilà qu’un lundi matin je quittais le fort Coligny accompagné jusqu’à la gare de Metz en jeep, capote revêtue, Lobo réglementairement tenu en laisse, en direction du Vigan.
Pour le retour de la mission ? Mais, je pris 11 jours de perm supplémentaires à la santé du Commandant puis gagnais le fort de Mourmansk qui s’appelait ainsi à cause de sa position stratégique vers l’est exposée aux bises froides des hivers venus de Russie.

Dans ce nouveau fort de la STEM, la discipline était plus que… comment dire… innommable, impayable, extraordinaire ? Je pourrais raconter ma tenue réglementaire qui s’était détériorée, mon travail devenu plus qu’approximatif et, tout comme les ricains aujourd’hui, j’aimais bien espionner au standard téléphonique tous nos correspondants officiers, les faire attendre, les envoyer sur des voies de garage… enfin, je me rendais utile dans tous les emmerdements que je pouvais leur occasionner.

Et même qu'à Mourmansk, on pouvait détériorer un téléscripteur pour s’amuser, mettre sur le côté un Dodge, aller voler un mouton au fermier du coin qui s’en vint pleurer au capitaine du fort et autres joyeusetés, en tout bon contingent français.
Pour le téléscripteur et le mouton, qu’on mangea, il n’y eut point de coupable : tous l’étaient et personne ne fut puni car tous furent déclarés innocents pour éviter une « grève » à la STEM.

Mais, le boulot se faisait toutefois : on confectionnait des bandes perforées pour les informations chiffrées retransmises aux américains, aux allemands, aux belges, aux anglais aussi et même au fort de Coligny pour que les collègues du Service Météo de la 1ère RA puissent tracer leurs cartes.
En plus du travail, lorsque les chefs étaient absents, on amenait des nanas qu’on trimballait dans les grandes caisses de contre-plaqué servant à recueillir les bandes et les papiers à jeter. Fallait bien s’amuser un peu, non ? Et rigoler ?

Et rigoler aussi, sachant que les civils, chiens compris sont interdits d'espace militaire, mais pas les nanas. Au moins elles n'ont jamais songé à sauter à la gorge du Patron du fort comme Lobo mais pouvaient bien espionner et, vous pouvez comprendre qu'en vidant Lobo, Commandante préférait sa tranquillité à la sécurité de l'Armée. Normal, pour un supérieur, d'ainsi se comporter.

A Mourmansk, on draguait les standardistes des PTT alentours. C’est là que j’appris qu’une voix « jeune » pouvait appartenir à une vielle dame et qu’une voix charmante pouvait être celle d’un laideron. Mais, on le leur pardonnait et on buvait un coup avec elles, belles ou laides, jeunes ou vieilles.

Eh, oui ! On apprenait vite et bien à l’Armée, et j’en ai fait profit. Surtout pour la frappe au téléscripteur qui me sera bien utile, même à ce jour pour mon blog. Dommage que le J de mon ordinateur ne tinte pas pour avertir mes correspondants comme celui des téléscripteurs Lorentz d'antan…
Imaginez que je vous réveille à chaque fois que je tape un J ? Drôle, n’est-il pas ? Imaginez encore :
-Jeanne, ma Jeanne, ma Jeune rouquine coquine… que J’aimerais à Jamais faire JouJou tous les Jours à vous baiser les Joues. Et vous enJoins de bien vouloir abaisser tel l'abat-Jour vôtre Joli Jupon Jaune, ce Jupon dont Je n'ose espérer, Jeanne, ma Jeune et Jolie Joliesse !... Oh, Je dois espérer ! 21 coups de sonnette !
Enfin... mal retranscrit : le J était minuscule sur les téléscripteurs.

Mais voila que, Lobo rayé des cadres de l’Armée française sans jamais y avoir été inscrit, mon Service militaire commençait à me fatiguer. Et le Père Cent et la Quille à se faire sérieusement languir.

PS : ce jour de notre anniversaire du vendredi 26 juin 2015, nous voguons allègrement sur le 70ème déclinant.
Et salut à cette jeune dame de 70 printemps sonnés, Madame ONU.

lundi 22 juin 2015

Le caporal Lobo - 7


Je le sens bien : vous croyez que je vous amuse et qu'il était impossible que mon chien ait pu se trouver aux armées sans l'autorisation de quelque autorité compétente que ce soit. Serait-ce une fable ? Se foutrait-on de vous !
Et, dites-nous encore : l'Armée ignorait-elle la présence de ce chien ? 


Que je vous rassure : Lobo n'était devenu transparent pour mes chefs que parce qu'ils se demandaient si, en renvoyant Lobo à ses pénates, le cabot que j'étais serait toujours aussi efficient au service cartographique de la météo… 
Pardon ? Indispensable, faudrait-il dire ? D'accord, avec nous !

Je veux ! Et j’explique : d'abord, on savait que le caporal Patrice était toujours prêt à remplacer les absents. Ensuite, qu'il ne coinçait jamais la bulle, les soirs de permanence, ni ne glissait une règle dans les téléscripteurs pour les bloquer et téléphoner ensuite au réparateur de la STEM qui, feignasse, refusait de se déplacer jusqu'au matin.  Et, ça on le savait pertinemment.
Résultat ? Aucune carte ne pouvait être dressée par manque des données des navires sur l'Atlantique et des stations météo d'Europe occidentale.
Le cartographe de la météo, ce saboteur des soirs, ne pouvant effectuer son travail en profitait pour pioncer. Mais, va le prouver !

Ainsi, le manque de prévisions météo désorganisait la 1ère Région Aérienne, (dont les FFA) et les troupes de l’OTAN. Et tous, des stations de radio à la télévision et aux armées, tous râlaient.
Pour se prémunir de tels ennuis, on fermait les yeux sur Lobo, mais on n’en avait pas moins des visées détestables le concernant, surtout Monsieur le Commandant du Fort heureusement freiné par les chefs d’Etat-Major qui craignaient des réponses de mauvaise humeur du Service Météo, Lobo en faisant partie intégrante.

Dans la chambrée, d’un simple grondement de lion, le caporal Lobo faisait cesser tout début de bagarre. De même, lorsque nos escarcelles étaient garnies, en début de mois avec nos environ 50 francs (dont la prime sous béton), nous allions au bistrot du village, à 3 km et à travers bois, et lorsque la coupe était rase de Kronenbourg, on pouvait sans souci remonter au fort dans la nuit noire à travers la forêt dense en se tenant à la queue leu-leu, moi accroché à la laisse de Lobo, dégurgitant tous nôtre bonne bière tels des Petits Poucets sur le sentier du retour. 
Dire qu'on pouvait se souler chez le civil avec 50 balles (7,50 euro) en 1965. Quelle époque que la nôtre !

Lorsque Lobo, cherchant son petit papa sans le trouver estimait, parfois à juste raison que celui-ci se trouvait là-bas, au bout du tunnel de 300 mètres et à 80 mètres sous terre (non, non, l’information n’est pas si pertinente…), il se présentait à l’entrée du boyau et attendait qu’une personne veuille entrer ou sortir. 
Lorsque la grille s’ouvrait, il se ruait, parfois rattrapé au collier, réussissant toujours par se retourner et mordre le garde soit au pouce, soit au pied, ou ailleurs, ce qui le libérait illico. Et le soir :
- Merde, ton chien ! Il m’a encore mordu. Putain, c’est pas vrai !
- Si t’as pas compris qu’il faut le laisser aller là où il veut, c’est que t’es con !
- La prochaine fois, je te le déglingue. A la mitraillette ! Ah, ouais. Tu crois pas ?
- Non, la prochaine fois, tu le laisses entrer et sortir à sa guise, mon pote.

Le dimanche matin, comme nôtre dotation mensuelle de16 paquets de "Troupe" ne nous suffisait pas, nous jouions au poker. On misait avec des allumettes, chacune représentant une cigarette. Pourquoi cela ? Mais, pour éviter qu'elle ne se vident de leur tabac, à tant les miser sur le tapis.
- Tout à l’heure, tiens ton chien. Dimanche dernier il a foutu le bordel à l’Eglise. Enfin, la relation n’était pas tout à fait exacte, loin s'en faut.
- OK. Ferme-moi la fenêtre. Je me le surveille ! Pars tranquille.

Tout le monde n’étant pas informé, quelqu'un aéra le dortoir-fumoir et Lobo en profita. Quelques minutes plus tard :
- Merde. Ton con de chien… Le gars qui m’avait demandé de retenir mon chien soutenait, lui, son poignet gauche qui pissait dru le sang.
- … ton con de chien, il m’a mordu !
On banda au mieux le blessé qu'on conduisit à Frescaty, à l’infirmerie de la base aérienne :

- Mon garçon, un chien ne mord pas comme ça. Tu n’es pas blanc-bleu !
L’infirmière, pour bien marquer sa désapprobation, utilisa de l’alcool à 90°.
- En été, mon gars, ça mord facile un chien. Je pourrais comprendre. Mais, là, tu l’as emmerdé, ce chien !
- Mais, je vous jure que non !

Une voie de fait sur un soldat français ne se pouvant, Lobo se voyait privé de dessert pendant une semaine : il fallait bien marquer le coup et ma réprobation. Privé de madeleines, voilà !
En fait, il s’avèrera plus tard que, le dimanche précédent, Lobo qui aimait bien suivre les copains qui tentaient de se faire en douce les clilles du patelin en allant à la messe au village, avait cru bien faire, pendant l’office, d’arpenter lentement la nef à la recherche de nos bons garçons en uniforme, ces frères en Jésus Christ qui, par un fait exprès, se tenaient au loin, on ne sait pourquoi, là-bas, au fond, loin de la porte et près du chœur. Devant l'autel, quoi !

- Mais, pourquoi jouent-ils à cache-cache avec moi ? se demandait Lobo.
- Quelqu’un pourrait-il faire sortir ce chien de l’église ? C’était le curé qui, oubliant qu’il bénissait une fois par an les chiens et leurs chasseurs, les ânes et même les coups de fusils pour assassiner la Création de Dieu, oui, nôtre bon curé sollicitait les fidèles pour chasser mon Lobo, ce petit frère des hommes. Mais, de quel droit ?

Le futur mordu se leva et, en gentil chrétien qui aimait François d'Assises, il prit mon chien de guerre par le collier et l’emmena sur le parvis, l’attacha court comme il ne se doit pas et lui fila un coup de saton* bien mérité, à ce qu'on m'a raconté. 
Fallait pas qu’il foule l’église de ses pattes au bout blanc, ce clébard, crénom de nom !
*Ndlr. Saton et satonnade : coup (s) de pied (s) en toute vacherie. 

Rappelez-vous maintenant nôtre partie de Poker-cigarettes, le dimanche suivant, et la fenêtre qui devait rester close. Malheureusement…
Et Lobo courut dans les bois comme un dératé pour rattraper la cohorte de bidasses en partance pour la messe, tout joyeux et en uniforme afin d'appâter les filles à maman et à papa.

Et entendant un bruit de cavalcade, le gentil cogneur de l'autre dimanche se retourna, surpris, bras gauche décollé du corps, bras malheureux que Lobo happa dans la foulée.

Il faut bien souligner, à sa décharge, que Lobo crut à une nouvelle avoinée et ne fit que se prémunir de la satonnade, quoique, comme me le diront plus tard les maîtres-chiens de Frescaty, un chien qui vous traverse la main de ses crocs, c’est plus que rare et cela dénote un certain mordant, et à tout le moins, un bel esprit de vengeance.

A dater de ce jour mémorable, j’évitais le Commandant du Fort comme la peste. Et le choléra ?... oui, et le choléra réunis.
Et pourquoi donc ? Ben... Et pourquoi pas !
Quant au mordu ? Lui aussi évita Lobo !

samedi 20 juin 2015

Lobo se rend à l'Armée - 6


Dans mon petit fort de Commandement, la vie se faisait laborieuse ou joyeuse tant au service de la météo, aux parties de poker-cigarettes, aux souleries, à la drague des gentilles lorraines, et à la messe du village, les dimanches. Tous s'ennuyaient-ils ? Tous. Fermement et sans exception.

Heureusement, un séminariste aux Effectifs, responsable des permissions avait organisé, à l'insu de son chef, un système de solidarité spécifique qui consistait à octroyer, en rab, 4 jours de Brevet Sportif Supérieur à chaque permission de tous les bidasses des 3 forts sous sa "juridiction".
Il suffisait de prévenir le collègue qui notait votre permission sur son cahier de service aux crayon de papier puis, à vôtre retour, effaçait l'opération. Et rebelote à la prochaine perm. Un plaisir que ces 4, plus 4, plus...

Je disais donc que, bénéficiant de 4 jours offerts par nôtre séminariste et pris, en sus, onze jours de permission agrémentés de onze bitures plus que réglo-réglo avec l'Andros qui, lui, effectuait ses obligations militaires dans la Marine, voilà qu'après beaucoup de fatigue, je finis par prendre deux billets SNCF : un quart de place, pour moi et un demi-tarif, pour Lobo.

Nôtre premier contrôleur voulut faire son travail tandis que Lobo, tout au sien, grondait sourdement, et moi, curieux du courage de l'homme de la SNCF, je le retenais au collier.*
Oh ! J'oubliais les deux filles qui voyageaient avec nous depuis Nîmes et s’amuseront à offrir une glace à mon cabot à chaque arrêt pour le rafraîchir :
-Veuillez faire descendre ce chien de la banquette, Monsieur ! Monsieur ?
-Pardon ? D’abord, il est sur un journal. Et puis, il a payé son billet demi-tarif, plus cher que moi, non ? Après ? Pas mon problème.

Lobo ayant réglé au mieux de ses intérêts ce petit intermède ferroviaire, nous n’étions toujours que quatre dans le petit compartiment de 8 places, direction Montélimar, Valence, Lyon, Dijon, changement, puis un long arrêt à Culmont-Chalindrey, mon chien refusant toujours d’accueillir tout bidasse qui entre-ouvrait la porte pour la refermer aussitôt au grondement de Lobo qui, sans regarder l’intrus, présentait une dentition terrifiante de loup, mon Lobo qui ne se fera jamais aux uniformes, pas même au mien, mettant du temps à me reconnaître (lorsque je me pointais en perm au Vigan), le cul bas*, prêt à bondir.  

Au service météo d’un casernement réaménagé de la ligne Maginot... non, non, point de révélation... Disons, qu'en passant par la Lorraine avec mon cabot, et même bien avant, j'avais signé un papier à trois capitaines disant en substance que je tairai tout sur le Commandement de la 1ère Région Aérienne et des FFA (Forces Françaises en Allemagne), encore présentes en 1965. 
Eh, eh ! Je devenais un véritable occupant, combattant de la France, un guerrier, même ! Merci, messieurs les allemands !

Me voila cartographe affecté à un fort disciplinaire. Enfin, c’est ce qu’ils disaient à l’école de la Météo. Mais, quel souk, quel beau bordel, tant dans la discipline de la STEM (transmission de l'Etat-Major), de la tenue déplorable des services généraux, dont la Météo avec, tous les soirs, garde comprise, le tiers de l'effectif alcoolisé à la Kro, la canette de bière du guerrier français présente sur tous les champs de bataille de la France, dès sa création.

Fallait la voir, l'armée française en sa jeunesse généreuse suivant le plus élégamment du monde des cours d'apprentissages es souleries. Quelle honte ! Joyeuse, toutefois.
Mais, ça aussi, c'étaient les bienfaits que le Service militaire, tant regretté, aura apporté à l'économie française, aux dires de tous les bistrots de France et de Navarre. RIP l'Armée de conscription !
Depuis, toujours d'après eux et malgré le RMI et le RSA en remplacement, ce sera le marasme économique dans la profession.

Tiens, parlons de cette garde à l'entrée du tunnel si peu soucieuse de la sécurité de tous, et pas militaire pour un sou, du genre :
-Salut. Tu va bien ? Tu m’ouvres ?
-Eh ! Oh ! Où tu crois aller, toi ? Je te connais ?
-Ben, j’suis nouveau. Je travaille à la météo.
-C'est sûr ? Hein ? C’est bon, passe !

Donc, je laisse mon chien à un pote, enfile le long tunnel miné, avec un autre boyau en chicane de défense (chut, je n'ai encore rien dévoilé !), puis je me présente et salue le responsable prévisionniste grognon qui, tout à mon travail continuait à tracer la 1015 sans me regarder :
-Bonjour mon Lieutenant !
-Ca va, ça va ! On peut toujours compter sur vous ! 10 jours de retard…
-11, mon Lieutenant, 11 jours.
-Faut le faire : 11 jours ! Et vous avez une excuse à présenter ?...
-Ben, j’ai rencontré un ami alors, tous les soirs, on se torchait. Et voila, je ratais mon train de 18 heures.
-Et tous les jours ainsi ? Vous dites ? On règlera ça plus tard !

Je reprenais mon travail de cartographe à digérer les télé-scripteurs et contrôlant la justesse des avis de variation brusque (AVB) avant de les diffuser lorsque :
-Un chien ? Vous dites un chien. Appartenant à un de mes hommes ? C’est une blague, ou quoi ? Le lieut. répondait au téléphone à la garde.
-Mon Lieutenant, c’est mon chien…
-C’est pour ça que vous étiez en retard, Patrice ?
-Pas du tout, mon lieutenant. Non. C’est que tous les soirs on était fin saouls et que le train…
-Ca va, ça va ! Allez me chercher vôtre chien !

Grâce à Lobo le Magnifique en sa robe couleur feu, étoile blanche de Boxer sur poitrail et bout des pattes blanches, 25kg de muscles, gueule sympathique, bref, un petit ourson genre peluche que j’appelais familièrement « dent-dent » pour la raison évidente qu'il cachait bien son jeu, le chef s'était attendri.
-On peut caresser ?
-On peut, Mon Lieutenant ! On peut.
Ainsi Lobo fut adopté à la météo, à la stem, aux services généraux... non, non, pas à la garde, toujours en première ligne des morsures, mais aux cuisines, en chambrée et par les chefs d’Etat-major, tandis que l’adjudant prévisionniste, qui ne m’aimait pas, dut s’incliner.

Par contre, dès qu’un général canadien, américain ainsi que tout officier supérieur de l’Otan ou une huile se pointait au Centre de Décision pour des manœuvres ou une inspection, on demandait au "cabot" Patrice de quitter son service pour aller promener le cabot Lobo que la chambrée avait bombardé Caporal d’Honneur.

Si mes supérieurs reconnaissaient la qualité de mon travail météo, ils préféraient m'éloigner, ne pouvant pas corriger ce débraillé moitié civil, cravate règlementaire coupée dont je portais le bout en guise de galon à l’épaulette qui renvoyait toute l'Armée Française à la cloche. Une hérésie, n'est-ce pas ?
Et je complétais le tableau par des grolles civiles sans lacets, pas cirées, sans chaussettes, et le menton pas rasé. Quant au treillis ? Trop ample, ne tenant à la taille que par une ficelle peu réglementaire. 

Eh, oui, dans ce fort de Commandement, on pouvait même s’octroyer une permission limite désertion et amener son chien sans se faire jeter. Pire encore : on pouvait déambuler sans calot !
Oui, pire car, sans calot, point de salut aux supérieurs et donc point de marque extérieure de respect, ossature principale des armées. En l'affaire, le problème est que le supérieur aime à rendre son salut au bidasse pour bien lui montrer sa supériorité.

Avec ma tête nue d'abêti, lorsque je rencontrais mon supérieur, je le saluais civilement d'une belle inclinaison de tête. Et d'un sourire. Le Lieutenant, les responsables d'Etat-Major, tant qu'on faisait bien son boulot, la tenue et le salut... rien à cirer.  
Oui, mais pour le Commandant du casernement qui ne pouvait pas me rendre ce hochement gracieux et civil en portant la main à son calot à chacune de nos rencontres dans le long tunnel de 300 mètres où je ne pouvais l'éviter qu'à la chicane, l'affaire Patrice lui coupait la chique, l'inquiétait et le rendait maussade toute la journée.

Maîtres-chiens et infirmière comprise, tous dans le fort aimaient Lobo, mis à part mon juteux-prévi et tous les mordus de mon chien. 
Ndlr : "mordus par mon chien" serait-il plus correct ? Voyons voir...
Pour le Commandant, toutefois, je ne le saurais que lorsque Lobo l'aura salué règlementairement, lui présentant ses respects, crocs découverts sous babines retroussées :
-Vous auriez eu une vache, caporal, vous l’auriez amenée ?
-Ben oui, mon Commandant : je suis orphelin, et ma vache n’aurait eu que moi !
-Enfin, faudra me trouver une solution, Patrice. Et rapidement ! Dangereux, ce chien !

Solution ? Ben, on trouvera, et Lobo devenait Cabot d’Honneur. De temps à autre on l’habillait de ma veste de sortie, manches relevées, trois mois de service actif sans jamais émarger aux effectifs, si ce n’est à la cuisine.
Faut dire que mon Lobo portait beau l'uniforme ! Son petit papa en était fier.

Manque de pot, se gavant de viande rouge taillée dans les quartiers de bœuf de l'armoire-frigo, viande à peine grillée sur le piano de la cuisine, Lobo devenait agressif et faisait travailler ses crocs sur les copains. Et à leur plus grand dam !
                        _________

*NDLR : Quelle ambiguïté. Et quel style ! Et quelle écriture-plaisir !