jeudi 30 juillet 2015

Ca tombe sous le sens.


Fanny, pour ne point la fâcher, faisons simple et disons qu'elle fatigue un peu son monde à n’accepter que la réponse qu'elle désire, la seule qu'elle espère, celle que je ne peux manquer de lui donner, comme condamné à lui faire plaisir, encore et encore, et sans fin aucune.
Fanny ? Mais, elle est insatiable. 

- Crois-tu qu’ils vont fermer la piscine cet hiver ?… Ah, tu me rassures ! Et le bassin extérieur, non ?
- A mon avis, oui ! Ils ne peuvent faire autrement.
- Tu vois… tu es en train de me gâcher ma journée ! Tu le fais exprès.
- Pardon ?... Mais, tu me voulais un avis. Je te le donne.
- Je ne te demandais pas çà… et toi tu préfères qu’ils le ferment, ce bassin.
- M’enfin, çà va pas ! Je ne préfère rien ! Je me mets à la place de la municipalité et je ferme.
-Oui ! Tu fermes et tu me gâches vraiment ma journée. Merci bien.
-Mais, c'est dingue. Je ne ferme rien, moi ! Et je m'en fous, moi !

A chaque fois que Fanny demande mes choix, je tombe à pieds joints sur la mauvaise réponse, toujours à côté de la plaque. Et, pourtant je fais tout pour lui plaire. Aussi, commençant à la connaître, je me mets à prendre plaisir à tordre les situations :
- Tu prendras du rouge ou du rosé ? Tu prends quoi ?
Bon : mettons-la en colère. Elle est belle, ainsi, et comme elle n'aime que le rouge, un Laudun de préférence...
 
- Rouge, rosé ?... Ben, puisque tu me le demandes et si ça te n’ennuie pas, je pencherais bien pour un petit rosé frais, à se régaler ! Un costière de Nîmes ?
- C’est quand même étrange que tu ne penses pas souvent à moi, mon amour.
Pardon ? Vous aussi remarquez que ce « mon amour » est bien mal placé. Quoique, pour signifier que je ne suis qu’un infâme égoïste, bravo ! Et ce « mon amour » mal léché, je le vois comme une grossièreté bien féminine.
Encore bravo, Fanny !

- Mais, oh, bébé ! Si j'ai opté pour le rosé, mais nom de nom, c’était mon droit parce tu me demandais de choisir... pardon, tu me demandais si je préférais le rouge ou le rosé. Mais, pourquoi ta question : tu sais bien que je n'aime que le rosé !
Après ? Ma Fanny préfère le rouge, soit ! Pas de problème : on discute en amoureux et on choisit le vin. Simple, non ?
Allez, rien que pour le plaisir de ma belle, je lui aurais laissé la commande de son Laudun rouge, ça tombe sous le sens. 

Mais, non. On préfère me voir en égoïste que de discuter de nos préférences. Moi, je vous le dis : Fanny me voudrait la guerre qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Elle pose une question, puis me fait un caprice : mais, elle finira par me faire voir rouge, cet amour de ma vie.

- M’enfin, Fanny, tu me demandes d'opter. Et tu refuses la discussion sur le choix du vin.
- Mais je n’ai rien refusé. Tu peux préférer le rosé mais tu aurais pu choisir le vin rouge en pensant à moi, dis-donc, mon galant.
- Mais, je n'ai pas choisis le vin. Je n'ai dit que mon désir. C'est tout.
Vous remarquez encore qu’elle aura eu l’amabilité de me renvoyer à l’amour que je lui devais et à la galanterie, moi qui pensais que l’amour ne se peut être un devoir. Comme le devoir conjugal ? Mon Dieu, que cette chose horrible est terrible, dite ainsi !
Parfois, je me demande si elle ne me manipule pas un peu, la Fanny.
Un peu beaucoup ? Vous trouvez aussi ? 
Et si vous commenciez à vous occuper un peu plus de vos oignons, les amis, hein ? 

- Et si nous prenions quelques jours de vacances, chéri ? L’Espagne ?
- Tout à fait d’accord, m’amour !
Tout en répondant à ma dulcinée qui me perturbe grandement à toujours me contraindre à un jeu de stratégie où elle excelle, je me dis que l’Espagne, ce ne serait pas bon : j’aime pas l’Espagne, y-a trop d’ibères.
- Oui, l'Espagne, chérie. C'est bien l'Espagne. Chérie, j'adore l'Espagne, chériiiiie !
-Je t'ai entendu. Pas la peine de le corner, que tu aimes l'Espagne.

-Je vais faire la vidange de Choupinette (c’est nôtre voiture, je sais, c’est idiot mais elle fonctionne mieux quand je lui dis des mots doux). Ah, je change aussi les pneus arrière. Les flics m’ont arrêté hier : ils sont au témoin.
-C’est quoi encore que cette histoire de flics et de témoin. Tu ne penses pas qu’on a assez d’emmerdes comme çà, non ?

Voyez que Fanny est parfois, en plus de sa bien mauvaise foi, en période de mal entendance.
- La vidange pour l'Espagne ? Pas besoinTu serais d’accord pour l’Irlande ? 
Voyez que je ne vous mentais pas : ce n'est plus l’Espagne. Oui, mais non. Faut la dégoûter de l’Irlande où il y pleut tous les jours.
- Ils prévoient la canicule du siècle, là-bas. Le sirocco qui passe sur l’Espagne, direct du Sahara sur l’Irlande. Rien ne l'arrête...

- D'accord. Tu préfères la Roumanie ou la Pologne Chéri ?
Flûte, alors, voila la Roumanie et la Pologne réunies. Et, pourquoi pas toutes les Russies, et Depardieu en sus ? Lui ne suce pas que la glace. Oh, non Fanny, pas Depardieu.
- Et toi, chérie, que choisis-tu : la Pologne, la Roumanie ?
- Que dis-tu de l’Allemagne… ou la suisse alémanique ?
- C’est toi qui décides, mon amour. C’est toi, chérie. Mince, la Suisse ! Hou-là-là !
Résultat ? On a cuit à Messine, mais la Sicile et l’Italie, c’est au soleil de juillet qu’il faut s'y confronter, me disait mon tendre amour de bien mauvaise foi, en contemplant mon coup de soleil.

Eh bien, ma Fanny, je ne te vois pas souvent et tu arrives même à me gâcher mes plaisirs de vin rosé et de vacances que j'espérais en Angleterre.
- Tu préfères le Gide ou le Houellebeq, chéri de mon cœur
? Je prends quoi ?
- Les deux, mon amour (entre-nous, je ne les ai jamais lus).
-Pour une fois que je sollicite ta sagacité, tu te défiles comme à ton habitude. Pas gentil, tout çà, mon amour. Pas très homme, non plus, hein ?
- Oui, amour de ma vie, je ne suis qu’un petit garçon pas gentil, et c’est pour çà que tu m’aimes, non ? Amour, tu m'entends ?

- Oui. Tu préfères mon maillot une pièce pour la plage ou le bikini, chéri ?
- Tout te va à ravir bien que je penche pour le rose Vichy du une pièce, et le bikini pour la mise en exergue* de tes formes, amour.
- Ah ! Et ton choix ? L’un sur l’autre, si je t’ai bien compris ? Tu as toujours fait montre d’un certain bon goût !
- Tout à fait, Amour. Tout à fait.

*Ndlr : oui, exergue, si on veut. Pour mettre en relief un buste féminin, le mot est bien joli. Non ?

Avec Fanny, mes désirs seront toujours des désirs. Ca tombe sous le sens. Et c'est bien ainsi !

« Elle aimait trop parce qu’elle se rêvait aimante.
Puis vous aima bien moins, ce qui fut bien mieux »
                                                                "Toutes fleurs salées" - poème inédit d’Américo MARTINS

mardi 28 juillet 2015

La fée Caramba ! - 6

Alicia se marie en blanc

Je m’étais promis de faire une fin heureuse à la fée Caramba tout en laissant, par une artifice bien connu d'auteur, vos interrogations sans réponses. Par exemple, vous vous inquiétiez de savoir si Caramba a existé, et ou se situerait son histoire, mais, que vous importe ? Alicia est la fée Caramba ! Point barre.

Etait-il nécessaire de s'appesantir sur nôtre ressenti ? Vous avez aimé Caramba, aussi lui devons-nous plein de bonheur. C'est dit. 
Il nous manquait toutefois un final heureux à cette histoire inventée de toutes pièces, et je vous devais ce cadeau d'amitié pour vous qui, prenant plaisir à suivre Alicia m'avez rendu heureux d'avoir, enfin, des lecteurs assidus. Aussi, amusons nous de conserve.

Donc, j'avais bien prévu ce dernier épisode de la série des Caramba, mais balançais entre laisser le destin faire son office, vous offrir un final poétique à l'image du charme de Caramba, trouver une morale religieuse grinçante ou écrire doctement, et je m'en sentais capable, une fin plus philosophique, triste et geignarde à l'image d'Alicia en ses amours qui se meurent inéluctablement... comme toutes les amours naissantes.
Nous pouvions aussi nous plonger entier à nous salir dans la gadoue de la gaudriole et tous grincements de l'humour noir, que sais-je. Il nous restait encore la possibilité d'une fin banale comme la vie sait offrir.

Chagrin, je m'ouvris de ce dilemme à Bon René :
-Ami de la Belle Province, achevons Alicia, le voulez-vous ? Oui, vos propositions ?
Pendant que René réfléchit, situons la Belle Province au lieu dit Prat-Coustal, en Cévennes, sous le col de la Cravate. 
-Ce que j'en sais, moi ? Un final en bubble-gum, pourquoi pas. Non? Une morale souple en bouche... 
Pardon ? René ne précisera pas. Quant à Américo et Rolando, la Caramba, ils n'ont pas apprécié du tout.
-Mais, qu'elle est con, Gilou ! pour l'un et, Bof ! pour l'autre. Oui, Pierrot ?
-Elle est bien foutue, Alicia. Moi je trouve. C'est vrai, Pierrot. C'est cela.

Pour complaire à René et Américo, je vous proposerai bien la rencontre, pas tout à fait improbable, d'Alicia avec un jeune abbé italien, en soutane sans pli ni macule, tout en beauté. Et pour parfaire le tableau, la rencontre dans un supermarché où tout est possible comme me le suggère Pierrot perdu en ses magrets et camemberts, et j’en veux pour preuve Alicia et son Carambar…

Oui : suivez-moi donc pas à pas et le voyez ce choc de tous les possibles d'Alicia avec ce jeune abbé italien, de ceux que l’on trouve déambulant, comme à vouloir se perdre corps et âme dans le désert de la place Saint-Pierre et, comme dit si bien René :
-Ces demi-dieux païens qui se fringuent, que dis-je, qui se parent de l’habit sacerdotal taillé, retouché, revisité par Giorgio Armani avec cette simplicité vestimentaire si recherchée pour seul signe de pauvreté, le tout pour finir par se faire immanquablement remarquer des belles dames, égarée elles-aussi, mais on ne sait pourquoi et qu'on appelle les folles de la place Saint-Pierre, et qui ne gagnent pas à être connues, en dames patronnesses !
-T'énerves pas, René... t'énerves pas ! 

Bien : assis confortablement au cinéma, voila que le film se termine très mal pour le héros alors que vous ne lui souhaitiez que du plaisir avec la belle héroïne. On penserait même à le faire périr, nôtre mignon.
-Mais, de quel droit : j’ai payé place entière, sans réduction, messieurs de la production du film. Un peu d’égards, je vous prie, pour la clientèle !

Alors, moi sur l’écran de mon ordinateur, ami lecteur, je préfère que le mot Fin (Ndlr: End) de "La fée Caramba" s'efface pour laisser place au rêve, et c’est pourquoi tu n’auras que l’embarras du choix pour faire qu’Alicia soit la plus heureuse possible, et tu sais qu’elle le mérite, cette petite fée qui t’aura enchanté.

Mieux, même : et si nous priions pour que Caramba tombe éperdument amoureuse d'un bel émigré somalien, jeune, noir à souhait mais si miséreux d’avoir dû transiter par toute l’Italie puis le sud de la France, et si maigrichon car tant coursé par nos pandores et qui, par bonheur, finira caché et protégé par nos paysans cévenols en leurs champs d'oignons doux. Caramba le désire, ce petit noir : le voulez-vous prendre aussi ? 

Attention toutefois Alicia car, entre Ibrahim et Tonio, le choix te sera difficile, même si... mon Dieu, que le noir leur va bien... même si, bella ragazza, tu feras tintin et une croix sur l'abbé interdit qu'il est de mariage par le Saint-Père François. En ce qui concerne l'autre beau gosse, méfie-toi du coup du père François Hollande qui ne prise pas les nuances de gris que se créent amoureusement noirs et blancs.

Mais moi, que j'aurais aimé marier Alicia à Ibrahim ! Mais, la chose se faisait délicate car il eut fallu que je me renseigne sur les conditions d’immigration, les demandes d’asile, les tracasseries administratives, et que sais-je encore, sans compter le droit français concernant les mariages avec des étrangers hors CE.
Et, voyez que je ne savais faire pour éviter qu’une belle et tendre histoire d’amour possible ne soit considérée comme un mariage blanc...

Mais, rêvons : les tourtereaux se seront mariés en catimini mais, par malheur, Monsieur le Maire, se sentant l'obligé du Procureur auprès du Tribunal de Grande Instance, aurait prévenu ce dernier de l'outrecuidance des amoureux. Jésus, Marie, Joseph, protégez-nous de l'amour qui se fait, en 2015 crime de lèse-république en la France qui se pense encore l'héritière du siècle des Lumières et des droits de l'Homme. 

Pauvre petite France qui aura grondé et, pire encore, fait les gros yeux, puis cassé « la carta » ainsi que disait Fatima ma bonne mère, puis interné administrativement l'autre Ibrahim, avec retour à l'envoyeur comme si la loi devait s’immiscer dans l’amour, en toute suspicion. Légitime ? 
Ne me le faites pas dire…

Je vous le demande encore : l’union d’Alicia, la blanche et d’Ibrahim, le noir se pouvait-elle être considéré comme un mariage blanc ? Métissé et consommé, je veux car ils s'aiment. Mais, blanc… allons donc, et sachons raison garder, Monsieur le Maire et Monsieur le Procureur de la République auprès du TGI. 

Allons, Messieurs qu'on nomme grands, laissez nous croire à l'histoire d’amour d'Ibrahim, l'immigré et d'Alicia l'autochtone, en ne gâchant point le bonheur alentour.
Et pour parfaire ce conte de fée, suggérons à la République française d'offrir le voyage de noces de leur vie à ce sympathique couple de jeunes mariés par un aller simple pour la Somalie, le départ se faisant impérativement par Lampedusa, avec casseroles* accrochées au cul du bateau. 
Pour faire plus festif ? Oh, que oui !
*Petit billet d'humeur d'Américo, ce 31 juillet : "Bravo, Gilou d'avoir pensé aux casseroles pour écoper, au besoin ! Sait-on jamais ! Ibrahim te remercie."

Pour elle, robe blanche immaculée, signe de la pureté il va de soi car elle le mérite bien, et discret bandeau noir dans les cheveux. 
Pour lui, costume noir de Sappeur, cravate blanche, et rose Pierre de Ronsard à la boutonnière.

vendredi 24 juillet 2015

Croisière en Norvège - 3

Cachez-moi ce tonton
... que je ne saurais voir !

Et nous revoilà croisant sur nôtre beau bâtiment rouge, blanc, bleu. Comme avant-hier, encore et toujours bruine et brouillard lorsque nous pénétrons dans un fjord long, étroit et encaissé. Depuis le jeu de la pomme d'hier, les passagers que je rencontre ont tous le mot aimable. Seul Adam a disparu, et qu'importe si madame sa dame aura repris son homme en main ? Il le méritait bien.

Ma frangine disparaissait tous les après-midi. Inquiétant car pas moyen de lui faire dire ce qu'elle manigançait, quant à mes tantes, elles couraient toujours après moi et surveillaient que les nièces soient bien rentrées dans leur cabine, à l'extinction des festivités. 

Mes journées, se passaient souvent avec trois copains de l’usine, les seuls bretons de nôtre fournée, dont un noiraud, genre bougnat, la quarantaine mignonne avec un ventre d’homme fort, des épaules de lutteur. Pas très loquace, la moustache de sapeur mais moi j'aime bien et puis, pour ne rien gâcher, il paraissait doux. Ma jumelle, qui n’avait pas froid aux yeux :
-C'est pas possible. Mais, il a faim, il te dévore des yeux, le Bruno. Il te veut. Prends-le et fais le manger dans ta main. Il a plein d’oseille ! Amuse-toi, sœurette

Ma jumelle était très coquine, pleine de malice, une belle vilaine du genre que Gilou apprécie. Toi aussi, Pierrot, on le sais.
-Mais, le bonhomme ne me plaît pas, Mylène, je lui disais.
-Eh, alors ? Ce n’est qu’un mauvais petit quart d’heure à passer. Un seul par jour. Et pas plus, et même que tu peux espacer. Après ? Tu lui fais la grève, au copain de la CGT. Pour sa peine et lui apprendre à vouloir se goinfrer d'une belle jeunette comme toi. Il vaut le coup, crois-moi ! Il a du pognon à revendre.
Mylène ? Complètement folle qu'elle était, et dévergondée, fallait voir ! Et, depuis toute jeune. Et çà plaisait aux hommes, faut croire. 
Et puis, comment savait-elle qu'il était plein aux as, le Bruno ?

Marraine, ma tante du côté de ma mère, une gentille femme conciliante, agréable, bon vivant mais qui vérifiait tout, son défaut, participait à la croisière. Je l'aimais beaucoup. 
Concernant tonton, son mari, comment dire… oui, cet oncle par alliance n'allait pas bien du tout à toujours vouloir glisser une main, tant qu'à faire deux, dans mon corsage. Et leste, la main. Un rapide que cet homme-là, toujours à me surprendre. Fallait bien endurer : c’était mon oncle.
-Et ta marraine, savait-elle les manières de tonton ? 
  
Du tonton ? A force de le pratiquer, marraine connaissait bien son saligaud. Elle disait qu’à part son petit jeu de main malsain, dont elle aimait à rire, il était pourri de qualités. Alors…
-Tu voulais dire pétri de qualités ?
Pourri, je préfère... car tu avais beau le remettre en place discrètement, dès que tu baissais ta garde, eh hop ! Une main baladeuse sur tes nichons. Et que sur les seins, une sorte de fixette de malade mental. Avec ma sœur jumelle ? Il ne s’y risquait pas. Elle était plus futée et plus rapide que moi. Ou le remettait en place vertement.

-Mais, tu ne pouvais pas lui mettre la vergogne ?  
Pour ce que çà pouvait lui faire, la honte à ce grand gosse mal sevré. Il était blindé et te souriait si adorablement qu'il te désarmait, ce bambin de 50 ans. Mais, c'était d'un pénible, quand même, à toujours te tenir sur tes gardes.  Et puis, tes nichons, c'est tes nichons, non ?

-Ton oncle mis à part, cette croisière, tu en auras profité, ne dis pas non.
Oui, mais pas comme tu crois parce que, même sans mon mari, j’étais chaperonnée par mes tantes, mon tonton, les copains de la boîte. Plus tonton qui ne se gênait pas à me glisser ses mains entre les seins. Mais tonton, c'est tonton. On le connaissait : il était coutumier du fait. Et tant compulsif que çà faisait rigoler toute la CGT.

-Et, pas même un flirt ? Allez, un petit ! Juste un tout petit...
Pierrot, te rappelles-tu les attentions du pianiste ? Même si j'avais voulu, mes tantes me surveillaient de trop près. Tu te rends compte, chaperonnée à mon âge ! Ailleurs que sur le bateau, à l'usine ? Non, parce qu’à l’époque, j’étais sérieuse. Le bougnat ? Même avec les plus doux yeux du monde, non, et même s'il m'avait plu.
Non, je n’aurais jamais trompé mon mari, j'avais ma fierté ! Avec le chef d’orchestre ? Grands dieux ! Surtout pas ! Il était trop vieux, et moi bien trop jeune. Trop timide ? Pas même : je me respectais !

-Rosemonde, et si c’était à refaire, dis ?
Aujourd’hui, à mon âge ? Amusante, ta question mais bien trop tard. Quand j’étais jeune, connaissant la vie comme aujourd’hui, tu penses bien que j’aurais suivi le conseil de ma jumelle. Parce qu'à s'amuser, quel mal y a-t-il si on sait se taire ?
-Même le bougnat qui ne te plaisait pas ?
Le bougnat avec ses yeux doux et ses manières raffinées ? Tiens, pourquoi pas le bougnat. Et le pianiste, aussi ? Je veux. Et mon bel Adam à la pomme ? Alors là, Cendrillon se serait jetée contre le carrosse de son Prince pour devenir sa petite pomme d'amour à se faire croquer toute crue !

-Et le chef d’orchestre, ma belle Rosemonde ?
-Pour faire bonne mesure ? Peut-être pas le chef d’orchestre. Et, pourquoi pas tout l’orchestre, tant qu’à y être. Mais, non, Gilou, je plaisante. 

Ah, Rosemonde, quand le souvenir charmant t'assaille, parfois le regret t’étreint le cœur. 
 -Cette croisière, n’a jamais existé, c'était une blague affirma Rosemonde en rougissant. Quant à tonton et ses mains baladeuses, comme je n'ai pas de tonton... ni de marraine, alors, tu vois bien ! Je me suis amusée à inventer une histoire que Pierrot aura aimé lire sur mes petites lèvres.   
Tu crois qu'elle ne peut avoir été inventée ? Si tu le dis, Gilou, et si çà te fait plaisir !

Chère Rosemonde, cette main ne sortira pas de la famille, ni de ton corsage, encore moins de nôtre imagination, alors nous n'en ferons pas tout un plat.

jeudi 23 juillet 2015

Croisière en Norvège - 2.


Ma pomme : -Adam, croque ma pomme !
-Tu me prends pour une poire ! Y'a un serpent dedans ! (R&B)

Imagine le bateau voguant lentement dans la nuit vers la Norvège. Ce soir-là on forma des couples pour un jeu de salon consistant à trouver différentes façons de manger une pomme. C'était à nôtre tour de dire :
- Pourrions-nous suggérer... Veuillez m'excuser, Madame, mais vous, comment vous-y prendriez-vous, demandait l'autre pomme ?
 - Piquons la pomme d'une fourchette, pelons-la, puis partageons... je réponds tout en redoutant une gaminerie de sa part. Je ne fus pas déçue par sa tournure d'esprit, espiègle au possible.

- Madame, que diriez-vous de la becquée ?...Oh, oui ! Et cette becquée, la voudriez-vous faire sans les mains, finit-il par chuchoter dans un souffle ? Drôle de façon de présenter la chose. Et sans les mains, se donner la becquée comme feraient les oiseaux avec leurs petits ? De bouche à bouche ? Mais alors...
- Je vous demande pardon ? 
- Voyez, à mon imitation, dit-il et, prenant la pomme de mes mains, il la frotta sur sa manche, ouvrit grand sa bouche et, après y avoir mordu, l'y maintint accrochée puis, mains derrière le dos il approcha son visage de travers afin que je puisse y mordre à mon tour. Mais, quelle affaire que cette affaire-là : Pierrot, on m'avait choisi un cinglé pour partenaire ! Au fou, lâchez les chiens !

Cette invite à croquer ainsi la pomme me stupéfia. Je m'inquiétais de l'Eve officielle tout en redoutant sa réaction. J'observais de biais l'un et l'autre puis fis un signe discret à mon partenaire pour lui remettre en mémoire son mariage. Mais lui semblait l'avoir oublié. 
Qui, ma femme ? Quelle femme ?
Mon Adam d'un soir haussa les épaules, puis opina du bec pour m'inviter à le suivre. Ah, bon ! C'était ce qu'il voulait ? Et sa femme quantité négligeable ? Soit ! Je me lançais et tout en fermant les yeux comme le font toujours les amoureuse, je croquais à pleines dents cette foutue pomme. Mon Dieu, qu'elle était verte, au goût. 
Dans la salle, un "Oh" admiratif s'éleva, comme un soulagement après tant de tension puis retomba lourdement en silence.

Avant qu'il ne finisse par réussir à me baiser les lèvres, je rentrais le menton, lui abandonnant le reste de pomme. Mince, alors : il m'aurait bien fait mon affaire comme font les amoureux. Et sur la bouche avant même que d'avoir croqué toute la pomme. Et devant sa femme. Gonflé, l'Adam !
Tu peux  imaginer le franc succès et les applaudissements qui suivirent nôtre prestation et qui couvrirent parfaitement les quelques sifflets de déception.

Pourtant, nous avions perdu, un comble pour lui qui était restaurateur mais gageons qu'il aura gagné les faveurs de sa femme ce soir-là, elle qui veillait au grain. Et puis, y avait-il eu un soupçon de complicité entre-nous ? Absolument pas, je l'affirme et ce n'était qu'un jeu. Et même encore, ne lui avait-il pas prouvé qu'il demeurait toujours aussi séduisant ? Elle pouvait en être fière ! Et fidèle ? Aussi.
Et, était-ce de ma faute si j'avais pris plaisir à amuser la galerie ?

- Perdu. Et, pourquoi aviez-vous perdu ?
- Pierrot, tu te rends compte : il était absolument interdit de croquer la pomme. Tu m'entends bien : nous avions croqué la pomme, comme Adam et Eve. Et, devant une assistance nombreuse, avec des gens que je croiserai dans les moindres recoins du bateau, sans pouvoir les éviter. Aussi, je me sentais nue telle Eve au premier soir de la création.
Même aujourd'hui, je trouve que la chose était plus qu'osée.

- Ce qu'il fallait répondre pour éviter l'élimination ? Ne surtout pas dire la même chose que les autres couples et choisir entre : la déguster entière ou coupée en quartiers, en tranches fines, en dés, cuisinée avec du boudin, en compote ou compotée, passée à la moulinette, sucrée, au sirop, au four, en dessert avec du lait et du sucre, en sorbets, cuite en tarte normande ou tatin, en beignets, en apple-crumble, en jus, en cidre, en calva… je ne sais quoi encore. 

J'avais perdu au jeu de la pomme, et lui avait gagné à voir la tronche que tirait sa femme. Sacré partenaire malicieux d’un soir que cet homme-là qui me trouvait à son goût et avait failli me becqueter toute crue, mais quel plaisir de reine pour ma pomme. De reine des reinettes.

Après avoir pris bon plaisir, Rosemonde vous présentera, dans le dernier épisode de nôtre croisière, le tonton préféré, le tonton aux seins lourds.

A suivre...

mercredi 22 juillet 2015

Croisière en Norvège - 1


Un goût de luxe.

Les membres de la Section syndicale CGT et les salariés de la boîte devaient embarquer au Havre, avec escale à Dunkerque puis poursuivre leur croisière vers la Norvège, quand une grève surprise des dockers CGT les retarda, les contraignant à partir d’Ostende, un matin brumeux.
- Tiens, regarde comme  j’étais belle, en 80. Un jour, je te sortirai toutes les photos. Sur celles-ci, ce n’est que la famille. Et celle-là, ma jumelle. On se ressemblait tellement.

La ressemblance ? Je ne voyais pas, sauf peut-être en ce qui concernait la blondeur, la  taille, la façon de s’habiller, de se tenir, l'éclat or-paille dans les yeux, à ce que j’ai pu en juger. Mais, dites, les jumelles pouvez-vous réellement vous ressembler comme deux gouttes d’eau ? Impossible, chère Rosemonde. 
Enfin, croyez ce que voulez, moi ce que j'en dis...

Rosemonde, qui me racontait sa croisière et sa jeunesse était toujours aussi belle, et même, même que je la trouvais plus belle que sa jumelle. Oui, de par son regard si différent.
- Un jour, je te sortirai les photos des autres membres de la croisière. J’avais 40 ans de moins…. Et Rosemonde, soupira.

- Etais-je belle ? Je ne sais, et ne le pensais pas alors, même si je l'entendais dire, tu sais. Canon... Tu veux savoir si les femmes me trouvaient canon ? Oui, et là, j’en étais heureuse. Pourquoi ? Mais, parce que, contrairement à vous, les femmes ont du goût.
Belle ? Non, mais désirable, c'est certain sachant que les hommes confondent sans pouvoir dissocier la beauté du désir. 
Pas bête, nôtre belle qui marquait le point.

- Le désir de beauté, c'est tout les hommes. Et puis, j'étais jeune, ce qui était bien meilleur. La beauté, tant que tu ne le sais pas, pour ce que cela te sert… La jeunesse, çà, oui, c'est bien utile !
- Moi, j’aurais été ton mari !...
- Oh toi alors, toi ! Tu me vois aussi belle qu'à vingt ans, Gilou.

- Ton mari en ces années 80 te sortait bien à la plage ? En bikini, non ? Une statue blonde intégralement bronzée !
- Tu me fais rougir. Mais, non, pas même. Ni dans la rue. Non ! Et puis, les vacances pour lui qui était commerçant, tu n'y penses pas ! Alors, la plage ? Les employés oui, pas les patrons.
- Pas possible ! Il te sortait, quand même, ton mari…
- Mais oui, mais à chacun son trottoir. C’était ainsi !
Mince. Une belle au mari étrange.

- Cette croisière, sans ton mari, çà a du te changer !
- Eh bien, ma jumelle aurait aimé que j'en profite, elle qui n’appréciait pas mon homme. Mais je n’étais pas libre à l’époque, et moins délurés que ma sœur. Et on me surveillait : mes tantes, tonton...
- Tu veux dire qu’au jour d’aujourd’hui tu serais plus légère ?
- Mais, qu’est-ce que vas chercher là !
- Mais, en croisière, comment résister à la tentation...
- Enfin, Gilles ! Tu connais un homme qui n’a pas envie de sauter sur tout ce qui porte jupon, à part toi ? S'il fallait tous les contenter, on n'aurait pas fini de sitôt !

Je reconnais que Rosemonde marquait encore le point.
- Oui, désirée sur un bateau où il y a peu de femmes, çà ne compte pas. Et partout de jeunes marins costauds, sains, sur la réserve qui n’ont pas le droit de te séduire, eux. Et puis note encore, attend… oh, ce pianiste et son chef d’orchestre. Je le savais qu’ils me voulaient, surtout le pianiste. Fortement ? Ben, faut croire !
- Comment le savais-tu ?
- Des passades des hommes et de leurs dangers associés ? Nos mères nous en ont prémunies toutes jeunes, crois-moi !

Admets, Pierrot que Rosemonde gagne encore le point et prend mon service.
- Pour quelqu'un qui avait été élevée dans une famille pauvres, cette croisière semblait le lieu de tous les possibles d'accession à la richesse, avec ces regards cajoleurs, ces sourires prometteurs, cette galanterie voluptueuse et ce charme vieillot des conversations mondaines. Tout sentait bon, et tous étaient habillés divinement, mais ces plaisirs de la croisière nous étaient offerts au mérite de nôtre jeunesse et de leurs désirs !
Rosemonde venait encore de gagner : jeu, set et match !

- Mais, tu avais des occasions pour rattraper le temps perdu !
- Mais, non ! Mes plaisirs n’étaient que frôlements de robe et mélanges de parfums sur les ponts-promenade, évitements dans les coursives, parades aux salles à manger, regards hésitants à la cafétéria, défilés de mode en tenue de soirée.
Et la danse, oh ! La danse pour faire valser cette robe légère, sans oublier la première manœuvre d’ensemble qui consistait à l’exercice d’évacuation du navire. 


- Même à vouloir sauver sa vie, tout était fait pour donner envie de se perdre dans les bras d'un homme. Comme c’était amusant de rencontrer des gens que tu n’aurais jamais osé regarder, ni aborder, ni saluer en étant heureuse, à vouloir hurler :
- Au secours, elle sombre dans vos yeux. Elle a peur. Harponnez, arrimez et sauvez-la, cette belle inconnue ! Et qu'elle soit toute à ses vouloirs !
Mais, tu ne vas pas au bout de cette chose divine et tu sais que tes cavaliers, tout en te souriant, enragent de ne point parvenir à conclure. Que du plaisir !

- Oui, les exercices d’incendie n'ont d'utilité qu'en vue de la rencontre, ne penses-tu pas ? Pour la sécurité, aussi ? Si on veut ! Et puis, faut croire que, vous les hommes, dès qu’une occasion se présente… eh, hop ! Mais, que vous nous accablez de vos lourdeurs !

- Les plaisirs de la croisière étaient aussi dans le froid brouillard, le sombre de la mer, nôtre frêle esquif s'encastrant tout au fond de fjords encaissés, oppressants, les craquements dans le bercement du bateau, et encore cet espoir de la possible rencontre. Et l'orchestre et sa musique à l’apéritif, avec en soirée ces bals de la débutante que j'étais alors, et toujours ce spleen dans les couchers de soleil et la tristesse des mi-nuits avant que de regagner sa cabine, accompagnée sans oublier de laisser ton galant servant frustré à la porte, gros Jean comme devant. 
Oui, je me répète, Gilou... mais quel plaisir de se repasser le film !
Et danser, imagine, moi qui adorais danser !...
Oui, la croisière, c'est romantique, sauf à partager ta cabine avec ta sœur. Et accompagné de tata-marraine, tata Renée et tonton. Surtout tonton.

- Mais la croisière ne peut se concevoir sans ces jeux de société incroyables avec un partenaire inconnu qu'on t'attribuait au sort, des jeux tant surprenants, si nunuches que cela en devenait une véritable diablerie. 
Un soir, comme par un fait exprès, on m'offre en partenariat un homme dont la femme crevait d’une jalousie folle. Il y avait de quoi. 
Mon grand bébé au regard fiévreux d'espagnol, à la volubilité italienne, au maintien allemand, cet étalon anglo-arabe à la longue crinière possédait un physique tel qu'on pouvait craindre le pire pour sa bonne femme qui, par malheur avait tiré le gros lot. Et, que Dieu veuille bien protéger cet étalon du désir de possession de tous hommes et autres femmes !

Donc, par tirage au sort, le monsieur de la dame au noir regard devint mon partenaire d'un jeu de salon où il fallait dire comment manger une pomme. Moi, le bonhomme je ne le connaissais pas, mais je l'avais déjà remarqué, tu comprends, Gilou ? Je lui dis :
- Piquons la pomme d'une fourchette, pelons-la, puis partageons…
- Et si, Madame, cette pomme...

Aie, Rosemonde, attention à ne pas te perdre à ce jeu et avec ce type-là !


Rosemonde, en sa blondeur ne risque-t-elle pas de damner l'Adam ? Mais, que fera-t-on d'Eve, la jalouse, en cette galère ? 
Vous le saurez dans le prochain épisode.
*Ndlr : Mais quel était le nom du bateau, Rosemonde ? Vous en souvenez-vous, la belle ?

 A suivre…


PS : and Happy birthday to you, Rico !