mardi 29 septembre 2015

Le Monde est petit !...


Les petits noirs d'Erby Kezako

Le Monde est vraiment petit !...  par René BOUSCHET (R&B).
Je buvais mon petit noir quotidien au Café des Cévennes, un 26 novembre quand mon regard fut attiré par une pile d'affiches posées sur la table d'à-côté, près d'un jeune couple tout à leur conversation quand, devant l'insistance de mon regard, la demoiselle (la dame ?) me dit :
- Si ça vous intéresse vous pouvez en prendre une... et le dialogue suivant s'instaure :

- Moi : Vous savez que c'est un de mes dessins ?
- Elle : Nooooon !!!! Nos affiches, nos propres affiches ? Incroyable !!!!
- Moi : Si ! Je dois avoir le dessin original réalisé pour l'affiche originale du Bourilhou* dans mes archives.
 

- Elle : Çà alors !... Incroyable !... On cherchait un dessin d'accordéoniste sur Internet !!!! Çà ne vous dérange pas qu'on ait utilisé votre dessin ?
- Moi : Non ! Le plaisir est pour moi !... Et je me suis fait une raison ! Quand on publie sur le Net, il faut s'attendre à être "réutilisé" !... Donnez-moi votre @mail et je vous envoie le dessin original et l'affiche à mon retour à la maison...

Ce qui fut fait le mercredi 26 novembre 2014.
  
Pour votre plaisir, veuillez cliquer sur :
Les petits noirs d'Erby Kezako. Fakes, dessins de presse et satiriques sur le temps qui passe... Et autres bricoles directement réalisées sur la bécane.

Le dessin original (crayon et fusain).

*Ndlr : Le Bourilhou, Centre Culturel du Vigan sis dans le lit d'un "oued" de même nom. C’est-vous dire.

lundi 28 septembre 2015

Le charretier amoureux - 4 et fin

Réponse de Ménie. Sautez l'écrit et allez directement au fin fond de l'article attraper les 18 croquis canadiens de René BOUSCHET. "C't'écœurant", mais comme c'est bon ! G-P-K.


Cher Constantin, que vous dire ? Ici, on vous trouve bien courageux et sympathique mais porté sur la chose ce que Pierrot estime détestable, quoiqu'il apprécie votre prose. Fanny, elle vous fait la tête et on ne sait pourquoi. Claudius, lui s'en fout sauf à traquer les fautes d'orthographe et celles de goût, et Rolando s'amuse avec les expressions canadiennes, et "c't'écœurant" le ravit. Moi-même je vous sais adorable et j'envie votre blonde. Voilà, c'est dit. Ce qu'en pense René ? Il ne dit et ne sait donner que des conseils, alors, voyez... 

Votre lettre pose bien le défi auquel se heurte la paysannerie dans ce monde : vouloir survivre en toute écologie mal conçue reviendrait à décroître seul, avec pour corollaire le rachat de vos terres par de grosses entreprises adeptes de Monsanto plus regardantes que vous sur la santé de la planète. A ce qu'elles disent. Ensuite ? 
Il ne resterait que la solution d'émigrer en ville et d'acheter des produits fermiers dont on ne connaîtrait plus le degré de pollution, ce qui est écœurant. 
Et puis, à qui faire confiance en matière d'écologie si ce n'est à vous-même ? C'est de cela qu'il faudrait discuter avec votre blonde.

Enfin, votre "fatigante" voudrait-elle d'un paysan insensé offrant à la vente des fruits écolo, soit mais talés, véreux, moches tout en supportant la pyrale de son maïs sans penser à y trouver solution ? Heureusement, la nature, le consommateur et la peur de la pauvreté se chargeraient de le ramener à de "meilleurs sentiments" et à une agriculture raisonnée.

Cher Constantin, nous avons aussi posé votre problème à Ségolène de Mont-Royal, notre ministre de l'écologie qui accepte volontiers de se charger d'une communication qu'elle transmettra à votre ministre canadien de l'écologie, conseil que l'honorable Leona AGLUKKAQ prendra en compte, à n'en point douter. Enfin, on nous l'affirme.

Quelques précisions sur le choix du titre donné à votre lettre, "Le charretier amoureux". Nous avons apprécié la carriole, la Roussine, l'attelage, les balades et votre brune. Voilà pour le charretier amoureux de sa blonde. Nous fûmes attendris par les veillées dominicales avec la mère, entonnant avec elles les tounes du bonheur, et même aimé participer à la messe, aux travaux de la ferme, à la traite des vaches, et rêvé à l'amour dans le fenil. Avec plein de fous-rires, aussi. 
La fraîcheur de votre langage et vos expressions si savoureuses nous enchantèrent et quant à ce gentil Bullshit, voudriez-vous bien le saluer de la part de Pierrot ?

Oui, vous suivre dans votre Belle Province avec votre blonde menée au pas lent de Roussine fut un plaisir certain pour tous.

Je vous donne encore le sentiment de Youssef, joint par téléphone : 
- C’tte affaire-là, rien que le prénom... Constantin, ça me rappelle une chanson à boire que sous la table... Non, mais c’est bidouille et compagnie ! 
Puis, l'animal s’est mis à pousser un rire en une sorte de tonitruant braiement, certes canadien mais made in Algéria en ses vertes années.
Mais Youssef restera toujours notre Youssef, n'est-ce pas ?

Voilà, Constantin. Qu’ajouter, si ce n’est : soyez heureux, vous et vôtre brune et faites-nous un beau bébé, et même une trôlée de flos ! Oui, croissez et prospérez tout en protégeant la nature.
                                
Amicalement, votre Ménie. 


PS et dernier conseil de René : placez un panneau "A VENDRE à un vrai  écolo" devant l'entrée principale de la ferme. 
Si votre brune n'apprécie pas, c'est qu'elle est vraiment blonde.

*Ndlr : non, Ménie. Dans la Belle Province, on ne sort jamais ses gosses. Au grand jamais, et le temps n'y fait rien à l'affaire ! A moins d'avoir la flye à l'air au delà de l'Atlantique, la braguette ouverte, en deçà. Et encore !

***
 
 




10 secondes pour remplir une bouteille d'un litre, le robinet coulant à fond, j'ai testé !
Tous les soirs entre 9 h précises et 9 h 20, le voisin - dont je ne connais que les bottes
de moto soigneusement rangées depuis une semaine devant sa porte sécurisée - tire
de l'eau sans arrêt. J'ai calculé que ça faisait 100 à 120 litres d'eau !
Que fait-il de toute cette eau !?
 

jeudi 24 septembre 2015

Le charretier amoureux - 3

Des amours et des emmerdes...

"Avec ma blonde, tant qu'à nous balader dans les prés, à caresser le cul des vaches, à leur flatter l’encolure, tout enchante. Et même qu'on adore ça, et qu'elle m'aime et que moi aussi je l'aime et qu'on s'aime dans le fenil pendant que je pense à Margot et à ses sœurs qui restent encore à traire, et même que ça nous fait rire cette pensée, et même qu'on ne sait pas pourquoi, mais tant d'amour, Ménie, c't'écoeurant !

"Et ma belle toujours à vouloir m'accompagner sur le tracteur, m'empêchant de travailler, comme ça, en amoureuse et pour son plaisir et le mien. Alors, je la promène lentement, tout en douceur et tendresse, en faisant rouler le tracteur des heures, à me rendre tout niaiseux et à ne plus compter le temps qui passe, nez en l'air. Mais toujours à éviter les copains rigolards.
D'autres fois, j'attelle Roussine à sa carriole, à la fraîche ou le dimanche pour la messe, accompagnés de Paulette, la mère.

"Mon doux souci, pour moi, c’est le lit et, comme tous les amoureux, nous nous dépêchons de sortir et rentrer matin et soir nos vaches, et hop, à m’occuper des petites affaires de ma blonde, et elle des miennes bien plus petites, par la même occasion que nous en oublions parfois de manger et, que bien trop souvent, le dimanche soir, la mère soupe et fredonne seule les vieilles tounes du bonheur dans sa cuisine, c’est dire notre empressement à ces choses si particulières de la vie, si bonnes pour la ligne, à ce qu’affirme Hubert, le cousin bordelais, et pourquoi s'gêner, je vous le demande, Ménie ?

Tiens, faudra que je me rappelle d'aller lâcher un call au cousin.

" Pour parler de mes potes, autre de mes soucis, que j'évite pour de louables raisons, à chaque fois qu'ils me croisent avec ma belle ils me balancent, comme à l'encouragement du chasseur cette très ancienne antienne :
 - Cousin, toujours deux coups pour tirer la bécasse, l'un après l’autre, et de la cousine... Dois-je continuer, Ménie ? Non, et je vous prie de croire qu’à la chasse et à se faire manger la graine puis boire du chocolo après coup pour se requinquer, les potes en connaissent un rayon. De  grands amoureux, les copains à ce que je sais. Et d'excellents chasseurs.
Et, de plus, Ménie, on s’efforce à rattraper le temps perdu avec ma brune, vu qu’il y a urgence à nos âge, que je vous dis pas, et rien que de très normal à s'aimer et à éviter la gang de pites. Et pourtant...

"Pourtant, parce qu'il n'y a pas que les fleurs et le char dans la vie, et Roussine et la messe et les vaches, et le pitou, et les fins d'après-midi, et le tracteur, et l'amour dans le fenil à se piquer le cul, problème il y a. Et sérieux, croyez-m'en !

"Le problème, Ménie vient de ma blonde qui aimerait bien qu’on s'en retourne aux temps anciens : moins de pétrole, moins d’engrais, moins de consommation électrique, moins de lessive, de déodorants, de plastiques. Moins de tout !  C'est à pas avoir d'idée, c'tte affaire-là !
Pourquoi pas si on était très riches, quoiqu'on soit aisés. Lui faire plaisir, je veux bien sans nous ruiner, Paulette n'apprécierait pas ! 

"Pour retourner aux temps anciens avec moins de mécanisation, il faut plus de bras à la ferme. Ah, voyez vous-même. Les copains ? Faut pas y compter. Et moins de terres à exploiter, moins de bestiaux, tout cela fera moins d’argent dans le ménage.
Faut faire des choix que je dis à ma blonde. 
- Mais, tu n’aimerais pas moins polluer, qu’elle me dit ? 
- Tu m'niaises, ou quoi ? Tu me moques ? Mais, tu le sais que je suis déjà écolo, que je réponds. E-CO-LO ! 
- Mais, chéri, ne te choques pas, mais on n’a pas besoin de tant de machines, et de toutes ces terres pour être heureux.

"Moins de terre, moins d’herbe, moins de vaches, moins de veaux, moins de lait, moins d’argent. Et moins de bonheur... tout se tient, et ça passe juste pas. 
- Oui, mais on peut essayer, non ? 
- Chérie, on ne va pas s'obstiner... sauf que quand tu penses que beaucoup ont misère à ne pas pouvoir s'en sortir... et tu nous veux décroître tout seuls dans le patelin et s’appauvrir à plus remonter la pente, c'est ce que tu désires ? 
D'accord, on peut décider de se ruiner et tout vendre et quitter la terre pour la ville. Oui, mais là, plus d'balades en tracteur, et pas moins de pollution quand on se retrouvera dans les bras de l'aide sociale! Oublie ça, t'veux ?

"La mère, à qui je m’en suis ouvert commence à regarder ma blonde comme un reproche qu’elle se ferait… non, plutôt comme on regarde les fous à qui on dit toujours oui pour ne pas les fâcher, mais qu’on n’en pense pas moins. 
- C’est toi qui l’a voulue. Elle me plaisait bien, dommage... ton problème ? C'est ta fatigante. 
- Non, M’mam, c’est ton problème, celui de ta ferme. Je fais quoi ? 
-Commence à la mettre en balloune pour me donner des petits-fils. Et qu’ils te la tètent goulûment, à lui donner plein de plaisir pour qu'elle se calme, ta brune. 

"J’ai causé à ma blonde de la trôlée de flos, elle veut bien. Mais pas avant que de vivre dans une ferme plus écolo. 
Que dois-je faire, parce que moi, j'suis tanné, Ménie ? 
En vous remerciant par avance, etc…  

Constantin Boisd’œuvre.

mercredi 23 septembre 2015

Le charretier amoureux - 2


 Les mots du dimanche...

"La brune me plaisait bien, alors la mère s’est chargée du premier rendez-vous avec des conseils inutiles. Il n'est qu'elle pour faire ainsi : 
- Lâche-lui un call pour la messe de dimanche, puis déjeunons à la ferme, qu'elle disait. Après, tu lui montres que nous avons du bacon par chez nous. Et du foin en campagne, que même les filles de Los Angèle apprécient, et aussi du cœur au ventre. Et la frenche pas, surtout devant le curé. Tu entends ?
- Oui, m'man, j'ai entendu : que des becs sur la joue !
- Et pense à attacher le pitou, pas qu'il hurle à la mort et lui saute lui aussi dessus. 

"Au deuxième rendez-vous, encore plus de mise au carré :
- Tu l'embarques à la ville dans la vieille Ford jaune du père, les femmes elles aiment bien l'ancien. Des fleurs ? Aussi, ça goûte bon... Quel hôtel-restaurant ? Pas de suite, niaiseux ! Et comporte-toi comme une personne dépareillée avec les mots du dimanche en la raccompagnant chez-elle. Après, à la maison ! 
- Mais, Maman !...

"Des conseils, encore des conseils, toujours des conseils à n'en plus finir. 
- N'oublie pas... t'amuse pas à boulshitter au repas. Oh, non ! Pas de grossièretés, et à parler à travers ton chapeau à dire n'importe quoi : et crois pas que tu vas la pogner tout de suite, c'est pas encore ta promise. Et ne t’avise pas à être chaud, pas même filling (Ndlr : saoul comme un qui serait d'Ottawa, et pas même gai comme un pinson du Québec).
- Oui, M'man, j'ai entendu, que je lui dis.

"Troisième rendez-vous, encore aux ordres, comme si j'étais à pas avoir d'idée :
- Si elle est prête, allez à Niagara Falls. Toi, tu choisis l'hôtel-restaurant, elle le menu... Bien sûr que tu payes le repas, les fleurs et le reste, cette idée. Discrètement. Et c'est mieux de manger avant... mais pas trop !
- Mais, maman... c'est pas fini ?
-Non ! Pour la suite, la baignoire en 140, c'est bien mais lui raconte pas ta fatigue de la journée à pas te laver. Et pas de fun.  Du sérieux et du propre !
- Mais, m'man, j'sais t'ça !

- Je sais... tu sais, on l'sait ! Bon, fais comme tu l'sens, mais nous fais pas ton nono au repas et pas trop de mine dans le crayon, les dames au début n’apprécient pas toujours les exploits en chambre. Et, soigne tes bobettes, et prends en de rechange et de couleurs gaies, les dames aiment les jolies culottes et les belles chaussettes.
- Mais, M'man, je sais !
- Mais, oui, mon fils, tu sais. Ah, n'oublie pas de la regarder avec les yeux d’une chatte qui pisse dans le son, les filles adorent, crois-moi.
          
"Si encore c'était pour faire plaisir à la mère, même pas. Comme un imbécile, je suis tombé en amour de la brune du site que c'est ma blonde, et même du pareil au même, celle à la bonne brassière. Mais, attention : une québécoise pur laine ! Depuis, j’évite un peu la gang de chums en la promenant dans les chemins creux, tous deux main dans la main, elle retombée en enfance, et moi si malade d'amour que les copains se paient ma fiole, comme dit le cousin breton.

"Alors, j’ai prévenu la mère : le curé, il pourra attendre. Nous, pas. Ensuite, on va vivre quelques temps accôtés pour se familiariser, voir si ça fitte bien. Rien ne presse et la trôlée de flos*, pour commencer à la faire mémère, la Paulette, faudra qu'on se calme avant.
Oui, parce qu'il n'est pas question de mettre cette belle fille sur le tracteur, encore moins enceinte : elle se conduit mieux au lit. Par contre, dans la benne de mon tracteur ou sur l'aile à rigoler, je trouve que ma blonde elle est encore plus chou, la plus belle brune des Dix Provinces. Merci maman !

* NDLR : Dans le premier épisode, Ménie traduit "une trâlée de flos" par "une flopée de gosses". Non, Ménie, les gosses étant les c..ouille..s au Québec, là-bas on fait des gorges chaudes de notre blog. Merci bien, Ménie !
Mais, une ribambelle de nouilles, et pourquoi pas ? Preuve est donc qu'une double traduction se fait souvent double trahison, comme on dit aux Etats : a dobble-crossing. Euh, je crois. Enfin, j'espère. Si on veut ! Et puis, on s'en fout et on s'en crosse à pleine pogne !

Et merci de prendre plaisir à suivre ma blonde...

dimanche 20 septembre 2015

Le charretier amoureux -1


Extrait de " TABARNAK ! " N°1 -Fanzine satirique québécois - juillet 2013
Auprès de ma blonde

Reçu au courrier de Ménie, une lettre que je ne laisserai pas sans réponse. A savourer, en la lisant avec l'accent canadien, s'il vous plaît. Je signale qu'Américo, Rolando et Pierrot penchent pour une plaisanterie de Youssef, l'animal en serait bien capable. René, lui connaissant parfaitement la Belle Province est convaincu, par les expressions employées qu'il ne s'agit pas d'une galéjade de Youssef. Donc je passe cet écrit sur le blog. Ménie le Montant.

"Chère Ménie. Je ne viens pas ici me plaindre, surtout que je suis tombé en amour comme on dit au pays. Toutefois, ayant longtemps vécu jeune homme plus que tard, jokant bad boys avec les chums, nous paquetant tous les samedis comme des coings, on s'est mis à parler comme des pieds. On a fait sa jeunesse, souvent en manque de peau, crousant pour le fun plein de pitounes, tant nous avions appétit à toujours vouloir notre biscuit* ; et voila pourquoi j’ai perdu l’habitude  des tendresses et de leurs dires.

*faisant des bêtises de mauvais garçons avec les copains (les chums), nous soulant et parlant mal, comme des pieds. On a fait sa jeunesse en manque de nanas, à courtiser les belles pour s'amuser, et toujours à vouloir des relations, comment dire...

"Ma vieille mère, désespérant de se voir grand-mère m'a inscrit sans me le dire sur un site canadien bien propret, « Mon pays-rencontre.com » et s'est mise à surfer, comme si c'était moi qui se chercherait une femme. Belle aussi, maman ?

- Gentille et travailleuse, c'est mieux pour toi. Et organisée.
Mince, la mère, comme elle y va ! Donc, sur le site, on y trouve des intellectuelles russes et ukrainiennes et des citadines, les polonaises qui rêvent toutes de l'hiver canadien. Mais, pas que des belles : il est même des françaises, les meilleures paysannes du monde, d'après la mère. 

"Et, pendant quelques temps, elle me suivait partout avec la caméra. C'était à pas avoir d'idée d'artiste. Ici, une photo aux champs, moi sur mon tracteur, encore moi à l'écurie avec la jument Roussine (que j'appelle Pomponnette quand elle me fait sa picouille), toujours moi endimanché à la sortie de la messe. Je lui disais, et ça la faisait rire, et la rajeunissait :

- C'est pour le concours du plus beau bébé des Dix Provinces ? Pas un peu tard ?
- Non, c'est pour la Belle, mon fils, que pour la Belle Province !

"Attention, moi, quand j'ai su cette affaire-là, que la mère voulait m'inscrire sur un site de rencontres paysannes, Internet et le reste, je lui ai dit :
- Ça a pas de bon sens. Que de la marde de caribou, (de la merde de caribou).

Alors, ma mère s’est mise à surfer de plus belle à ma place, sans rien dire et se faisant passer pour moi, et des jours, et des nuits. Incroyable ? Mais vrai !
- Hé, les chums, Paulette veux que j'aille me trouver une femme. Où tu veux que je la trouve la mère, on est à la campagne, non, je dis ? Elle : "comme le monde, sur un site de rencontres." Je dis : et pourquoi pas une bien grosse au foirail ? 

Elle a rigolé. Et j'en étais resté là. Pas elle.

"Je consacrais toujours le dimanche soir à Paulette, ma mère, à chanter. On aime, ça rappelle le temps d'avant, avec papa. Un soir que l'on mangeait, elle me tendit quelques feuilles par dessus la soupière en me disant de bien regarder les profils de jeunes femmes qu’elle avait sortis sur imprimante.
- Tiens regarde cette fille-là. Moi elle m'plaît bien. Tu n'as pas un kick* sur celle-ci, (un coup de cœur) ?

"- Oui, maman, elle n'est pas mal de sa personne, mais c’est à moi qu’elle doit plaire. Tiens, j’aime mieux celle-là, celle qui est bumpée en Cadillac. J'imagine bien sa brassière avec un bon litre de lait pour des jumeaux !
- Incline pour qui tu veux, cante bien mais ne me parles pas comme tu marches. Pour les voisins et la religion,  c'est le mariage, et puis, faut aussi que ça s'emboîte, que ça fitte juste pour faire des bouts d'chou.

"La mère avait-elle raison de me tarabuster ? Sans doute, et ça l'amusait.
- Remontre-voir ça un peu, tu veux ? Non ! Montre-voir que la première !
Je regardais le portrait de la fille qu’elle me tendait. Pour joker la mère, je lui dis :
- Elle est brune. Que tu veux que j’en fasse ? Moi, c’est ma blonde que je veux !
La mère l’a mal pris. J’ai cru que j'allais recevoir cinq p'tits frères en fond de culottes, une fessée comme disent les cousins français.

"- Ce que tu vas en faire, mon fils ? Ce qu’on fait avec une femme qu’on prend. Après, c'est mieux que tu l’épouses avant, je préfère pour les voisins, que rester accôtés. Et tu me fais mes bouts d'chou, et même une trâlée de flos, (une flopée de gosses)
- Mais, maman... je ne veux pas me marier.

"- D'accord pour aujourd'hui. Je te donne un bon mois à bien joker avec les chums. Après, tu me trouves une femme, tu la chéris et tu la mets sur le tracteur, même la brune qui me plaît à moi aussi que ça serait ta blonde. Et tu te débrouilles que ça fitte bien. Mais, pas de feignante à la ferme ! Compris ? Et sur le tracteur !

Arrête de tataouiner et ramasse les cossins qui traînent dans ta chambre si tu veux que ta blonde vienne vivre chez nous. 

*Tataouiner = arrêter de tourner en rond, se décider. 

Si vous voulez bien suivre la mère ?