lundi 27 juin 2016

Bye-bye, et à la revoyure.


La coupe d’Europe élargie. Eh, eh.
 

Paradoxalement, et dans le temps que notre belle Communauté européenne se contracte par la volonté de votre HMS Queen Elisabeth II se mettant en cale sèche pour réparer de soit-disant avaries subies par une trop longue croisière de quelques décennies au large des côtes européenne, et sans avoir jamais accosté au Havre, Dieppe, Calais ou Cherbourg, tout en espérant que vos dirigeants ne détourneront pas votre vote comme en notre belle France, nous nous portons mieux. Sans vous. 
Et pourtant, nous vous aimons, peuples de grande Bretagne.
Bravo, les petits gars, et chacun pour soi, et bon vent à l'Ecosse et aux Irlandes qui, s'apaisant grâce à l'Europe que vous désertez se rénifieront.
God save your HMS, my friends !

Pendant tout le temps que ce Her Majesty Ship mettait à se saborder en espérant nous couler avec lui, voilà que nos responsables à Bruxelles poussaient les européens à récupérer leurs identités régionales en vue de morceler les états pour mieux les aliéner. Déjà, si la Catalogne se rêve en toute indépendance, pourquoi l’Estrémadure et les autres régions d’Espagne ne prendraient-elles pas le sens du vent des technocrates ?

Et, que vogue la galère Europe, où on ne vote plus mais qui verra se battre des pit-bulls pour l’autonomie de sa région dans une idée que voilà qu’elle est bonne !

A force de pousser à la roue la connerie, et comme le dit si bien notre canadien Youssef :
- Tout ce qui coûte me dégoûte, nos 13 régions finiront par former 13 nouvelles nations indépendantes européennes, chacune ne devant aide et assistance qu’à ses « nationaux », les hexagonaux en étant forcément exclus. Oui, car tout ce qui me coûte me dégoûte...
Vous me direz qu'avec 13 convives à table, dont Judas chacun tirant la couverture à soi, on se promet de beaux et nombreux traités bi, tri, multi-nationaux, progrès pour nous tous.

La Mondialisation sauvage du 20ème siècle aura mis à la botte les économies. Mais, ce n’est pas assez car, en ce 21ème  dans les états liés à la finance internationale, l’idée de « grandes » régions inocule le poison anti-démocratique du chacun pour soi, Dieu, so british pour tous, et ainsi le droit national à la protection sociale devenant caduque nous ramenera 100 ans en arrière.
- Fiston, tu la veux ta play-station ? Va la gagner à l’usine, feignasse.
- Mais, papa, je n’ai que 9 ans !
- Eh alors, moi j’en ai 39. Est-ce que je me plains d’être aux aides sociales et au bistrot ?

Comment l’état procèdera-t-il pour se gommer définitivement, ce qui, n’en doutons pas amusera nos amis anarchistes. Simplissime car il lui suffit de faire croire aux citoyens qu’ils doivent prendre leur destin régional en main, ce qui les amènera inéluctablement à la concurrence avec les autres régions en comparant les réussites et les échecs économiques, alors tous exigeront leur autonomie ne se sentant plus obligées à la solidarité avec les plus pauvres.
Ainsi l’état-nation se dérégule lui-même pour servir le capitalisme en se morcelant en régions qui, devenant incontrôlables par le pouvoir central exigeront leur indépendance.

Les possédants romains unifiaient l’état et l’agrandissaient par l’empire et donnait du pain et des jeux au peuple. Les capitalistes se croient plus malins : ils détricotent les Etats-nations sous prétexte de plus d’Europe et, entre autres joyeusetés nous préparent un football plus vivant, plus champagne... mais du pain et du boulot ?

Quel pataquès que le progrès. On nous affirme que la plèbe bénéficiera, grâce à la Mondialisation d’une Coupe d’Europe de 200 micro-nations et d’un mieux-être. Enfin, ce sont les capitalistes qui nous l’affirment, le cœur sur la main.
Une telle coupe, m’étonnerait qu’elle puisse nous captiver. Ce serait Berlin contre Pratcoustal en finale, la République Corse finissant troisième ex-æquo avec la république de Prague, celle du Royaume de Wallonie, la République de Munich, et bien d’autres encore.
(Ndlr : la République de Weimar ayant été disqualifiée d'office, on ne sait pourquoi).

On peut bien imaginer tous les bras et autres doigts d’honneurs des joueurs pendant les hymnes nationaux.
Mais pour le pain, mon petit Tintin ? Ben, c’est tintin !

Signé : un anonyme de la République d’Occitanie, français par atavisme, européen par communautarisme*. Et universel... pas mondialiste !

*Vous avez bien lu communautarisme, l'Europe et le Monde étant notre religion dont je suis un croyant bon pratiquant.

mardi 21 juin 2016

Lisbonne, j'y reviendrai ! - 3/3

Lisbonne, un coup de cœur. On aborde toujours une ville ou un pays avec des à-priori. Pour les grands découvreurs, les Amériques, le poète Camöens que j'avais lu, normal car je lirais n'importe quoi et tout ce qui me passe par les mains, d'après Fanny, la sauvagerie des guerres coloniales d'Afrique, le Frolimo et autres mouvements de libération, Salazar, Marcelo Caetano, la révolution des Capitaines de 74, Otelo de Carvalho, les communistes et tous socialistes, l'armée, Màrio Soarès, de l'adhésion à la CEE et du déclin du Portugal, j'en avais une vague idée, sans plus. Quant à l'art portugais, un inconnu pour moi.

Lisbonne vous déroutera toujours. Moi qui ne connaissais la ville que de nom, jamais je n'aurais pu imaginer une telle capitale si riche et trop grande pour un petit pays si pauvre, loin de tout en Europe.

Rayez Paris de la carte, la France s'en passerait bien ce qui n'est pas le cas pour le Portugal tout entier contenu dans Lisbonne, sans doute la raison qui en fait une ville difficile à appréhender, une belle provinciale qui tient ferme son rôle de capitale européenne tout en évacuant la grandeur de son passé, ses dictatures et semblant tourner le dos au pays et à l'Europe, une ville plus petite qu'il n'y paraît qui veut faire la grande et encore désespérément tournée vers l'océan qui ne peut plus rien lui apporter.

Je pensais Lisbonne en grand port et n'y ai pratiquement décelé aucune activité. Je parcourais la ville des journées entières de grisaille et de pluie avec une bonne crève qui, en me rendant maussade comme le temps ne nous permirent pas de jouir pleinement de notre visite.

Lisbonne ? J'y reviendrai, la ville méritant qu'on la découvre quartiers par quartiers, sans courir et en allant à la rencontre de ses habitants, en prenant tout son temps et en s'y attardant de jour et de nuit rien que pour le plaisir. Et pour savoir s'il fait bon y vivre à l'année. 

Maintenant, j'aimerais vous présenter la star de la ville, le E28 comme Electrick, un amour de tramway, sorte de petit jouet pour grands enfants.

En pensée, nous ne sommes plus à Lisbonne mais à San Francisco dans une toute petite machine allemande de bois et de fer des années 30 presque neuve car toujours retapée et qui possède des freins suffisamment puissants pour vous étaler sur le plancher, à tous coups gagnants. De même qu'à l'arrêt, il vous faudra prendre garde à ne pas achopper sur la seule marche disposée entre la plate-forme arrière fermée et le corps du tram, un vrai casse gueule. 

Ajoutez à l'affaire du E28, ses démarrages de F1 dans les montées et ses descentes de rues dévalées à grande vitesse, un animal fougueux plein de crissements de ferraille qui croise difficilement, dans la vieille ville aux rues étroites les piétons posés sur des trottoirs étriqués et qui doit parfois s'arrêter pour les laisser passer avant que de continuer sa course tout en obligeant les voitures à manœuvrer pour faciliter son passage à contre-sens du sens obligatoire des voitures, le tramway, prioritaire étant toujours dans son sens de circulation. Les voitures aussi dans le leur mais devant le laisser passer. Dilemme, mais pas tant que ça puisque tous arrivent à circuler comme si de rien n'était. Tout le monde suit la bien la manœuvre de tous ces "laissez-moi passer" et ces "après-vous, je vous en prie" ?

Et la cloche du tram pour dire : "Je passe" ou bien "Serrez-vous" ou encore, "Grouillez-vous".
N'oublions pas les titis et autres écoliers du coin qui s’accrochent à l’extérieur du E28 pour profiter gratuitement du voyage et les affiches mettant en garde le voyageur contre tous voleurs à la tire ou à l’esbroufe.

Donc, le Tramway, je disais… tu le vois dans les séries télé sur San Francisco ? C’est pareil sauf que les machines minuscules qui devraient être  à la retraite depuis belle lurette, souvent bondées, brinquebalantes font la fierté des Lisboètes. Quant aux rails à voie étroite, ils sont tellement usés qu'on se demande comment le E28 fait pour ne pas dérailler. Pour ce qui est de la largeur des rues, ce n’est pas l’Amérique, je l’ai déjà dit. Et tortueuses. Et qui ne connaissent jamais l'angle droit.
En parlant de l’Amérique et S.F., à Lisbonne se trouve le pont du 25 Avril sorte de petite copie du Golden Gate, ainsi qu'un Christ qui ressemble à celui de Rio sur la rive gauche du Tage.

Les gens de là-bas ? Plus qu’agréable, serviable, aimant recevoir, renseigner, et causer de tout. Surtout en français. Contrairement à Florence où trop souvent un billet manquait à l'appel, personne n’a essayé de me carotter dans le rendu de monnaie. En Italie, sur dix euro, on vous rendait sur cinq. Sur vingt, le billet de dix manquait parfois à l’appel. Le temps réaliser et de réclamer…
- Mi scusi, signor ! Mi sono sbaliato ! Sbaliato toi-même ! Se tromper, tu parles !

Quant à la nourriture ? Une soupe à 1,50 euro, la meilleure du monde. Un repas à la Cantinada Fatima pour 7,50 euro. Soupe, poulet-frites et légumes, salade et désert, seul le café ristretto au robusta du plus mauvais goût pour terminer. Une moitié de poulet rôti débordant de l'assiette avec l’aile et la cuisse attachées. Du jamais vu, mais à Lisbonne on ne joue pas avec la nourriture. A manger pour deux.
Dans certains restaurant, ne touchez surtout aux tapas qu'on vous proposerait à l’apéritif. Ils vous seraient facturés bonbon. J’ai promis au serveur que s’il me refaisait le coup des tapas je n'y toucherai pas mais je m'arrangerai pour éternuer au dessus, rien que pour l'amener au respect des touristes.

L'autre contrariété culinaire, en toute forme d'impolitesse concerne le poisson :
- Votre morue, elle est fraîche ?... Pêchée de ce matin ?
- Oui, de la criée ! Excusez, mais il ne me reste que du merlan... Non, plus de morue.
Cause toujours, mon vilain. D'abord, le couple assis en face, bien qu'arrivé après nous mange de la morue sortie du chalutier ce matin. Comme si cela se pouvait, le poisson ayant déserté les côtes européennes, et notre pauvre merlan frit, mal décongelé semble bouilli, peu ragoûtant.

Dimanche, nous partons pour le monastère San Jeronimo de Belém classé au patrimoine de l’Unesco. Un bijou imposant, extrêmement bien conservé. 10 euro la visite (5 pour les vieux comme moi). Cher, mais cette splendeur le mérite.
Quelques roumains profitent de la longue file d'attente à la billetterie pour vendre des babioles et me rappellent qu'étant attentif à repérer les minorités visibles je constate que les noirs portugais, originaires du Mozambique et d'Angola se fondent parfaitement dans la population, que les "arabes", en ressemblant à leurs cousins portugais ne se remarquent même plus, et aucun curé en soutane. Une seule mendiante et une famille roumaine de vendeurs de rue, uniquement sur le parvis de l'église de San Jeronimo. Un seul aveugle et sa sébile nickelée dans le métro.
Il est est vrai que je l'avais déjà signalé. Par contre beaucoup de jeunes amoureux de tous sexes, bien appairés à ce qu'il m'a semblé puisque se tenant par la main. Que des touristes avec aucun portugais, ou alors je me serais trompé.

Assistons à la messe solennelle de ce dimanche matin. A ne surtout pas manquer le sermon en portugais, cette langue chantante qu’on retrouve dans le phrasé des commentateurs sportifs brésilien. A se caler sur une chaise pour savourer ce fado parlé. Je n’ai pas compris un traître mot, mais quel régal. Tous les visiteurs de l'abbatiale se sont arrêtés pour suivre le prêtre. Que dis-je : le tribun, le chanteur, la vedette. Une leçon d’éloquence dans une langue incompréhensible. Etrange me diriez-vous ? Y étiez-vous ? Non ? Alors, que l’on me laisse dire tout le bien de cette messe, et voila pourquoi le parpaillot que je suis aime à paraphraser notre bon roi Henri IV :  
- Belém et Lisbonne valent bien une messe !

Arrivée jeudi 25 au soir. Soleil. Vendredi pluie diluvienne, mais déambulation entre musées, églises et petit restau. Samedi, temps de giboulée. Dimanche à Belém soleil. Résultat ? Une crève phénoménale avec ronflements à la clef. Et, à chaque fois, réveil en sursaut :
- Tu ronfles !
- Pas possible, je ne dormais pas. Je te le jure. Je songeais.

Incroyable car, en faisant tout mon possible pour ne pas ronfler je m'assoupissais et m'entendais commencer à ronfler, ce qui me réveillait. Je ne pensais pas la chose possible de s'entendre ronfler !
 
Je songeais donc à me réfugier dans le salon pour ne déranger personne. Un soir, nos jeunes Ch’bèbes* sont revenus tard d’une dégustation de Ginja (la Ginjinha, vin de cerise), un verre de bière à la main. Resté plein après 6 étages de 105 marches bien comptées. Trompette, saluez l’exploit ! Tariiiiii ! Fermez le ban !
Les deux garçons se sont isolés sur la terrasse. Je me mis donc à ronfler pour les conforter dans leur intimité et qu'il puissent enfin souffler en s'embrassant longuement, langoureusement à ce que j’ai pu estimer, en parfaits amoureux. Longuement ? Toute une éternité, oui. Je suis photographe, compteur de pose. Langoureusement ? Je veux, vu le temps mis à se sortir de leur baiser de jeunes amoureux. Etais-je choqué ? Que nenni car le bonheur ne gêne que les parfait abrutis, comme dit si bien Américo. Quant aux jaloux, nous les confions à l'amour de Dieu. S'ils ne le veulent ? Qu'ils se taisent à jamais !

*C'bèbes, de cheveux en  berbère. Pour dire les hommes aux cheveux longs, quoique des effets de mode...

- Comment peux-tu le savoir qu’ils se roulaient une pelle ? Tu disais que tu ronflais !
- Mais, si je te dis que je ronflais, c'est donc que je ne dormais pas, voilà !
- Donc, tu dormais à moitié. Mais, personne ne peut dormir à moitié. Deux mecs assis sur la terrasse à la nuit, et toi tu fantasmes... être dans les bras d’un mec, tu aimerais, Gilou ?
- Si ça peut te faire plaisir... obsédé homosexuel dans mes rêves. Contente ?

Par la suite, il me sembla que nous croisions beaucoup de ch'bèbes hommes et femmes dans les rues. Faudra me faire soigner, mais ce joli baiser échangé par nos colocataires sur la terrasse, je ne l'ai pas rêvé. Pas possible.

Pourquoi j'ai aimé Lisbonne ? Trop difficile à tout dire. Si la ville apparaît comme petite, dès qu'on y déambule ses rues et venelles vous la font voir immense par ses longues côtes et ses descentes interminables, comme si la difficulté de la marche allongeait les distances entre des quartiers enchevêtrés les uns dans les autres.

Et, ici, beaucoup de touristes français qui se sentent comme chez-eux tout en se comportant bien mieux : plus souriant, cherchant à discuter en parlant normalement sans faire les beaux, serviables, et pour une fois agréables. Ce ne sont pas les timides et discrets touristes français de Florence. Ici, nous sommes chez-nous, en France tant le portugais nous accueille amicalement.
Mais, comme le dit Américo :

- Je crains fort que l'Europe n'en fasse des européens avant longtemps. Dommage !

Fin de la visite. Et encore dommage, car on aurait bien aimé y rester plus longtemps.
(Photos N&B de moi-même, G.P-K. Nikon FA au 50mm. Pellicule Ilford FP4).

samedi 18 juin 2016

Lisbonne, j'y reviendrai ! - 2/3


Belém et l'Art Zéro. L'orientation dans une ville prend souvent appui sur les monuments qui se détachent au dessus de la ville à condition de les avoir le plus souvent à vue, et droit devant. A Lisbonne le haut des collines donne peu de points remarquables quand le vallon qu'il faudra redescendre pour les atteindre les cachera et vous désorientera, la ville ne pouvant se découvrir qu'un guide en main et en demandant sa route. Ici, aller au but consiste souvent à s'en détourner en empruntant le chemin des écoliers qui pourrait bien y accéder, mais pas toujours, et passer par des quartiers successifs mal délimités.
Mon conseil ? Empruntez le tramway ou le bus puis parcourez à pied le quartier choisi. Seule certitude à Lisbonne : la descente vous mènera bien à un moment au Tage.

Belle et attachante car surprenante et unique, hétéroclite, petite mais étendue, fouillis de rues, difficile d'accès sont les termes qui conviennent pour dire la ville et ses quartiers tous différents avec aussi ses jardins calmes, ses avenues larges et droites coupées a des angles impossibles par des rues souvent étroites et tortueuses dont on ne saisit pas bien le plan architectural de Pombal qui fit reconstruire Lisbonne après les tremblements de terre, les tsunamis du 1er novembre 1755 et le feu qui la ravagea.

Lisbonne, ville aimable, sa population y prenant sa part, vous surprendra par la diversité de ses joyaux, ses rues et ses quartiers plus que par ses monuments comme à vouloir vous perdre pour mieux vous plaire et vous y retenir.
Dès la sortie du métro rien ne la distingue d'une quelconque ville provinciale bien qu'elle soit capitale. La ville moderne dépassée, elle présente rapidement des rues aux descentes de plus en plus raides vers le Tage, son fleuve, certaines dignes de pistes de ski noires ou la circulation automobile devient impossible, avec des remontées au retour qui semblent bien plus longues et pénibles au piéton.

Mais, de la beauté de Lisbonne, on ne saurait dire tant ses quartiers bien marqués diffèrent, certains pauvres dortoirs aux rues désertées, d'autres riches, touristiques, vivants et animés. Vous aimerez les façades des immeubles recouvertes d'azulejos*, ces petits carreaux de faïence qui n’ont pas qu’un côté décoratif au vu des orages venus de l'Atlantique, avec du linge qui pend aux fenêtres parfois protégé de la pluie par un plastique, les toutes petites échoppes du coin tenues par des portugais du cru, sans oublier ses galants conducteurs soucieux des piétons.

*En reconstruisant Lisbonne, le marquis de Pombal fit protéger les maisons de la propagation du feu par les azulejos. 

Ah, Lisbonne, Lisbonne ! On sait dire, mais vous prévenir que cette belle pousse fermement ses amoureux à suivre un régime minceur draconien, il n'y a personne. En 6 jours de crapahut, sans m'en rendre compte je perdrai 5% de ma masse corporelle grâce au "Spécial Lisbonne", ce régime recommandé pour le cœur, le tonus musculaire et le sommeil.
Ce régime supporte sans dommage les repas chargés et les soupes portugaises, les meilleures au monde après celles de ma pauvre mère. Enfin, seul mon avis compte, n'est-ce pas ? Après ce régime minceur qui vous encourage à manger copieusement parce que vous avez tellement faim suite aux efforts physiques, vous deviendrez lisboètes. 

A Lisbonne, dès qu'il se mit à pleuvoir j'attrapais une bonne crève. Redescendre l'escalier pour aller entendre du Fado le soir, rien que de savoir qu'il fallait en remonter les 105 marches vous fatiguait encore plus que la visite de la ville. Donc, les bars de nuit branchés et le fado, nada.
Des musées, je retiendrai surtout celui de Belém à cause de sa longue galerie d'affiches racontant l'histoire moderne du Portugal, ainsi que la riche collection d'un mécène portugais, surtout ses deux peintures décevantes de Dali et son "téléphone-homard", les petits gribouillis d'un certain Breton ou Le Breton d'une telle mocheté que j'en avais honte pour la France.
Si, un de ces jours, en passant par Belém et son musée vous aviez à cœur de vous renseigner sur un certain Breton, instruisez-moi et, ainsi feriez œuvre utile.

Dans le musée de Belém, n'oublions pas "l'Art Zéro". Si, si, ça existe réellement. Vous la voyez cette toile écrue, non préparée par le peintre qui ne se sera appliqué, tant qu'à faire qu'à la tendre sur son cadre et qui, d'un seul trait du génie de son art l'aura crevée en son milieu d'une estafilade de bas en haut. Quoique de haut en bas serait plus logique, mais on n'est pas à la place de l'artiste alors, comment savoir ? Un long et bon coup de canif, et hop ! Un monument de l'art moderne incomparable. Adjugez, c'est vendu. Et ça se dit artiste, me dit-on. J'espère qu'il n'est pas français, ce zigoto. Incroyable ! Et certains adorent.
Pour le jeune gardien, étudiant aux Beaux Arts, dans cette salle ne retenons que la démarche qui devrait nous questionner sur la place de l'art dans la société sans dénigrer cette "peinture" loufoque. Bon, si on veut mais Utrillo s'en est allé se bourrer la gueule à l'absinthe, seul, désespéré et tant chagriné par cette incommensurable couillonnade. S'il avait su qu'un coup de cutter valait mille coups à boire...

Attendez, ce n'est pas fini. Procurez-vous une toile écrue au prix de 10 euro. Tendez-la fermement sur un cadre, plaquez dessus un paquet de coton hydrophile acheté chez votre pharmacien, puis collez serré. Signez, exposez. Banco ! Extasiez-vous surtout lorsqu'un plus fou que vous la trouvera géniale, l'achètera d'un bon prix pour l'accrocher chez-lui, et tous de s'exclamer :
-Génial, si, si, très cher, mais qui est donc ce peintre incroyable ? Bravo ! Une valeur sûre ! Ça, un tableau ? Et ta sœur !
Tout bien réfléchi, à sa place et avec mon imagination j'aurais collé sur la toile du papier toilette souillé. Blanc, le papier sur toile écrue, du plus bel effet. Une grosse merde, quoi. Pardon, vous dites qu'on l'a déjà fait ? Avec du papier toilette ? Non, mais une merde en boîte exposée qui vaudrait du pognon ? Je ne savais pas. 

Lisbonne, ses habitants gentils, sa pléthore d'artistes et ses réalisations. Ses militaires et sa police aussi. Comme nous passions souvent près de l’Assemblée Nationale gardée à vue par deux sentinelles armées d’un fusil, l'une d'elles voulut bien échanger quelques mots avec moi. En Grande Bretagne, essayez toujours ! En France, on vous enverra bouler.
-Mauser K93 ? Non ! 7,92 ? Si !
Pourtant, pas tout à fait exact car, copiée en 1904 et fabriquée au Portugal, cette arme en utilisant la cartouche de 6,5x58mm devint le Mauser-Vergeiro.
Les autres militaires rencontrés plus tard dans leurs tenues de combat font armée du pauvre, peut-être pas d'Angola, du Mozambique sans doute.

La police, moins présente qu’en France ne fait pas montre d'un zèle excessif, sauf peut-être avec les automobilistes lorsque l'on constate leur strict respect du stationnement, des feux et des passages protégés. Par contre, beaucoup d'agents près des travaux, des banques ou des grands magasins avec quelques rares forces d’intervention armées d'un PM 9mm allemand ou israélien. Quand on sait que la mitraillette n’est efficace que par l’imprécision de son arrosage, la nombreuse clientèle de touristes des grands magasins se rassurera en se rappelant que le Portugal, étant de tradition judéo-chrétienne il restera toujours la main de Dieu pour ordonner le feu, ajuster les tirs et juger des vivants et des morts.

Ici, on ne se surprendra plus d'entendre partout parler français par nos presque compatriotes portugais et leurs nombreux touristes profitant, en famille des vacances de Février, le tout faisant de Lisbonne une ville bien de chez-nous, mais pas tout à fait car, pour une fois ses habitants, surtout les français d'origine sont devenus agréables. A ne pas reconnaître ces grandes gueules. Choquant !
Lisbonne, comme me le signalera un beur marseillais rencontré dans le vol de retour, c’est Marseille en mieux. Vraiment mieux, sans la racaille, et ce n'est pas moi qui le dit quoique dans le Traway 28E, il est conseillé de faire attention aux bousculades et bien serrer son sac sous le bras vu les toujours trop nombreux vols à la tire. 

Je rappelle aux travailleurs français qui penseraient s’établir ici pour faire leur beurre que le Portugal n'est réservé qu'aux touristes et aux retraités, sachant que le Smic, en saluant notre venue passera royalement à 590 euros (la TSU, cotisation sociale patronale devant diminuer) contre 1466,62 brut  et 1141 net des cotisations sociales en France. Comme en France socialiste, l'état portugais se dépouille du bien public au seul bénéfice des patrons, soit disant pour créer de l'emploi, la rigolade, qui se gavent aux frais des autres contribuables, dont leurs travailleurs. A quand la France et le Portugal ruinés, comme la Grèce ? Merci, patron !
Non, non, messieurs les patrons français et portugais, je vous le rappelle : les cotisations ne sont jamais des charges mais un effort nécessaire à rendre à la collectivité pour le bien commun. L'état clochardisé nous fera moins de routes et de sécurité pour exporter le fruit de notre travail. Et encore merci patrons de m'avoir entendu !

Lisbonne, c'est aussi beaucoup d’immeuble en rénovation, d’autres à l’abandon ou mal entretenus, des échafaudages un peu partout sans compter de jeunes peintres en bâtiment, qui après en avoir protégé les tuiles de l’avant-toit d'un plastique dur descendent en rappel pour peindre les façades, un sceau accroché entre les jambes, rouleau retenu au poignet par une ficelle et le tout sécurisé par des cordes dynamiques et autres harnais, descendeurs, mousquetons et jumars de spéléologues. 

-Dangereux… bien payé, tentais-je de faire comprendre à l’artiste peintre acrobate en frottant mon pouce contre l’index ?
Bien payé, tu parles ! Pour seule réponse, petit sourire et haussement d’épaule. Curieux, ce jeune ne parle pas notre langue. Avec dix doigts montrés, dénégation de la tête, pouce tourné vers le bas. Huit ? Trois fois le pouce baissé. Allons donc ! Six doigts, le Smic portugais ? Encore et toujours nenni. 5 doigts ? Hochement affirmatif et large sourire du monsieur. Mince, alors !
Je lui montre mon annuaire gauche et lui demande s’il est marié. Lui, tout à la rigolade se tape la tête contre sa corde de rappel puis encore non de la tête. Il n’est donc pas marié. Toutes mes excuses mais de ces 500 euro, je n’ai pas osé lui demander s'ils étaient net ou après déductions.
J’en conclus que le portugais, toujours dans l’adversité sait se faire comprendre par gestes et que son heureuse complexion lui fait peindre la vie en rose en commençant par les façades de Lisbonne. Rose bonbon.

A suivre...
(Photo N&B KGP. Nikon FA. FP4).



Une photo qui date !


      Coucou, ici votre serviteur. Photo de Julie PATRICE KHIAL.