mercredi 1 juin 2016

Le slip de bain crocheté - 2/4

La rivière. Après le début du petit chemin ombragé et l'usine électrique du Souquet, son long barrage de retenue et son canal d'alimentation où les petits pouvaient se baigner, aujourd'hui envahi par les algues* et des colverts, continuons sur ce sentier bordé, à gauche par la rivière, rive droite et un haut mur de gros galets à droite, rive gauche protégeant les pommiers, puis laissons les quelques grands cognassiers pour atteindre la curiosité à peine visible des Trois Sources, résurgence du trop plein d'Isis qui arrose les prés pour bouillonner délicatement dans la rivière et dont on peut boire l'eau qui met le temps à s'y mélanger.

*La disparition progressive des pommiers et de leurs traitements ainsi que les lessives pourraient expliquer ces algues. Et les canards.

Passons maintenant sous le Pont en Fer rehaussé que la grande crue de l'Arre de 1958 avait arraché pour l'emporter et le coucher presque intact dans la rivière à plus de 100 mètres. Quelques pas encore et, sise près de la borne de l'octroi Avèze-le Vigan, la Baignoire creusée dans le rocher, petit gour allongé et caché aux regards pour accueillir les amoureux.

Quelques cents mètres de plus et voici la majestueuse Chaussée du Vigan, en fait du hameau de Rochebelle, commune d'Avèze. Plus de trois mètres de haut, environ 40 de long avec, aux trois quarts le rocher boutant de la Tête de Chien et, à ses pieds, la Glacière. Dans le bassin du bas, la buse des égouts de Rochebelle. Sur la partie haute de la chaussée, rive droite, le canal d'alimentation de la petite centrale électrique du Pont en Fer débute par un court tunnel appelé la Grotte aux Serpents.
Bâti en galets de rivière avec sa partie déversoir en pierres taillées, ce barrage s'appuie sur un cirque rocheux imposant et sur le flanc de la "montagne" de la Bouisse, pommiers sur la plaine de la rive gauche et chênes verts sur l'autre.

- Mon Dieu, mais une vie n’y suffirait pas à l’écriture de toute ta rivière…
Vrai, Fanny la plus  belle de France, avec aussi un plein carton de chaussées, de Pont de la Croix, de Pont de la Selle, de lac de Camprieu, de cueillette décrivisses au Pont de Mars ou dans l'Arboux, de truites à la main et, rien que pour impressionner les filles, de chasse aux serpents d'eau introduits vivants et bien remuants dans nos slips de bains en nylon plus que moulants quand nos mamans acceptèrent de ne plus crocheter, pense donc : nous avions grandi. Alors, la bande de garnement de la rivière se dispersa, leurs pas dirigés vers le Chemin des Amoureux.
Pour ma part, je restais fidèle aux filles de la chaussé et au chemin de la rivière même si, quelques fois, je me surprenais main dans la main sur le discret Chemin des Amoureux, mais pas tant que ça car trop passant à mon goût, la chaussée me convenant mieux pour la drague tranquille. Avec l'aide précieuse de Lobo, mon chien. 

Et, ce n'est pas tout, Fanny car tu sais que je dispose aussi d'un plein sac d'anecdotes, les plus croustillantes strictement réservées à toi, toi ma certitude. 
Mais, que je te rassure : j'ai toujours demandé l'avis bienveillant de Pierrot pour juger de mes histoires et me donner ses conseils pour les policer jusqu'à les rendre plus tendres avant que de te les raconter. Je signale encore à mon tout petit public que ma timidité, la réserve qui trop souvent me bride aussi, la pruderie encore, ou doit-on parler de pudibonderie, je ne sais, ainsi que le droit au quant-à-soi, n’est-ce pas, m'obligeront à me restreindre dans mon propos. Quant au tact, je ne crains personne.
- Oui mais ton slip... ton slip de bain qui déteint. Au fait ! Allez, mon amoureux !

Voilà l'histoire. Normalement à réserver à Fanny, d'après Pierrot à qui je l'ai narrée il y a plus d'une dizaine d'année et n'aura pas tout apprécié puisqu'il se boucha les oreilles au final. Américo l'aura trouvée savoureuse, délicieuse, même si...
- Oui, mais ton écriture... comme en une sorte de va-et-vient qui n'en finit plus. Si je m'autorisais une critique, et considérant qu'une plume bien taillée donne du plaisir, il n'empêche que ton récit se fait languissant. De la vigueur, de la verdeur, que diantre ! Use de la puissance du verbe pour parfaire ton verbe, tu comprends ? Moi, l'action à ta place...
Je l'ai coupé aussitôt car, si je voyais bien le bon Pierrot bien en chair à ses 11 ans à ma place, en ce qui concerne Américo mon p'tit pote bien maigrichon avec son cul plus gros que sa tête affublé d'un slip de bain en coton de marque "Maman" crocheté à la maille large avec ses couleurs dégoulinantes, une gambette 2/3 verte, l'autre 1/3 rouge, son mitan mal caché et brinquebalant devenant violet, imaginez la honte : Portugal 0, France 3. 
  
Mon histoire ne vaut que pour Fanny car je sais qu'elle en pouffera d'aise et, quand elle rit je me sens de ces envies de me la croquer, ma pomme à moi qui prend un tel plaisir au son de ma voix, les paroles important peu. A vous, je ne dévoile ce conte philosophique que pour être aimé. De vous !
A Fanny, je lui glisse souvent du n’importe quoi, rien que pour constater du résultat. Plus elle s’esclaffe par des « Arrête, je me pisse dessus ! ce qui n’est en rien une image, plus j’aie envie de continuer à la surprendre pour me la prendre dans les bras, et rien ne m’arrête dans mes embellissement de la vie, et sans réserve jusqu’à la faire rougir. De plaisir, je le vois bien. Alors, elle :

- Pas possible ! Sur la chaussée du Vigan… le slip baissé ? Tricoté en grosse laine par maman Fatima ! Mince, mon bébé, j’aurais bien aimé y être. Mais, quel âge avais-tu ? Et que quand il pleuvait ? Mais, c’était dangereux. J’aurais eu peur,  pas de l’eau mais des éclairs. Un coup de foudre, à la chaussée* ! De l'inconscience. Mais, continue. Allez...

*En coup de vent, souvenir d'un coup de foudre pour la belle Phonème en ses 18 printemps et mes 20 berges à la rivière.

- Ben, nous roulions sur nos 11 ou 12 ans, pas plus, et l'idée originale venait de Pistou qui ne pensait qu'à nous entraîner dans des paris farfelus. Dès Pâques, direction le chemin de la rivière avec tous les jeunes branleurs du Vigan pour barboter et ne sortir de l'eau que lorsqu'elle devenait blanchâtre suite aux écoulements de la grosse buse des égouts de Rochebelle qui, de temps à autre offrait la mangeaille à nos belles truites de 1ère catégorie. Vrai ! Bon, tout le monde attendait un petit quart d'heure que notre rivière reprenne sa belle couleur... La chaussée, le rocher de la tête de chien, le trou de la glacière, la pommeraie attenante, un rêve de gosses en mal d'école. Et les filles en prime.
- Mais, cette eau de baignade, dégoûtant ! Et c’est de là que tu tires tes batailles de pommes. Pas vrai ? Et tes petites copines, qu’est-ce qu’elles en pensaient de vos maillots de bain ?

- Bof, les filles...Lorsqu’il pleuvait, on en profitait : elles ne venaient pas. Par peur de l’orage, comme toi. Nos maillots incroyables ? Tiens, faudra que je me rapproche des vieilles copines encore en vie.
Par contre, quand il faisait soleil et qu’on se séchait comme des petits singes sur les rochers, nos slips gorgés d'eau pendouillants, les copines baissaient les yeux, mais peut être pas tant que ça, et pas toutes, il me semble car certaines osaient bien quelques regards réprobateurs sur le résultat des talents de tricoteuses de nos mères et, sachant que la mienne, Fatima avec ses mains d'homme de peine, sa large maille faisant bailler mon maillot plus que celui des copains, tu peux imaginer ma gêne.
Si ma mère avait su ça ? Impossible. Mais, si elle avait pu me voir, vous auriez partagé un fou rire, ma Fanny. Tiens, tu lui aurais bien plu en belle-fille.

Ma mère, oui ma mère n'en restait toujours qu'à une stricte bienséance dans les rapports humains :
- C’est pas bien mon fils ! Faut marier, Gilino. Pour les enfants c’est bien.
- Maman, tu n’y penses pas, devrais-je la rassurer aujourd'hui. Fanny a passé l'âge pour ça. Moi, possible encore. Alors, pas d’enfant avec elle, pas de mariage non plus, maman. 
- Tant pis, mon fils, c'est la vie ! Faut croire que pas tant que cela pour elle qui prononçait : "Tant piche, mon fils, c'est la ville". 
Ou tant mieux, maman, mais continuons notre histoire pour la seule belle Fanny. Et pour votre plaisir aussi.

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