mardi 27 septembre 2016

Des urgences à la prison.

Préambule : Je ne suis pas expert en ces choses de la réclusion et de la liberté et, seuls ceux qui purgent de longues peines, ces détenus oubliés de tous pourraient le prétendre.
Ici, j'espère ne pas donner trop de leçons et ne voudrais que réfléchir tout haut sur ma vie végétative en prison. J'ai aussi, comme celui qui n'y aura jamais goûté des solutions qui pourraient améliorer facilement les conditions de détention. Discutons, le voulez-vous après avoir écarté tous les y a qu'à et les faut qu'on.

Puissiez-vous, par ma plume pénétrer à l'intérieur de la prison et que tous ces citoyens étranges plus ou moins en marge de la société, des longues peines aux gardiens de prison et aux juges puissent se servir des réflexions d'un ex-taulard sur sa détention.
Quant au travail des surveillants et aux décisions que doivent prendre les juges, les procureurs et les directeurs des prisons, si j'aborde souvent le sujet, je sais que ma vision ne sera jamais que subjective, mais c'est ma vérité.
Puissent ces écrits être profitables à tous.

Des prisons inhumaines car en surcharge pondérale et disposant de peu de moyens. C'est tellement évident. Point de contestation possible aussi, commençons par la vider de tous les fous furieux, gentils, apathiques, excités qui ne justifient en aucun cas de la prison mais de l'asile psychiatrique. Sortez les fous de la prison et elle fondra d'au moins 20% ce qui permettrait d'aider les détenus fragiles psychologiquement.
Rien que pour le plaisir de m'en souvenir, j'ai l'honneur de vous présenter Justin que nous appelions affectueusement entre-nous "le fou", ce qui l'amusait et qui disparut le jour d'avant sa sortie. Pour où ? Nul gardien ne nous le dira. Secret professionnel, mais j'ai bien peur que la prison ne lui fut néfaste. Bénéficie-t-il d'un internement psychiatrique, subit-il encore la prison, est-il mort ? Grièvement brûlé et handicapé ? Pour ça, j'en mettrais ma main au feu !

Justin, adorable colosse suivait le traitement préconisé par le service de psychiatrie de la prison et tout allait bien pour lui et pour nous. Mais un jour, sans savoir pourquoi, il changea de comportement et se mit à crier, à faire l'abruti ou le poirier à la demande des Animaux du troisième étage, puis sautait comme un cabri sur l'abri du téléphone de la cour de promenade, soliloquait en fou, prenait ensuite à partie tout le monde ou s'accrochait aux grilles tel un singe pendant que des malfaisants de l'autre cour lui crachaient dessus et lui, restant à leur portée en riait. Tout souillé.
Justin n'avait plus d'argent et il échangeait ses médicaments contre des cigarettes ce qui le réinstallait dans sa folie. 

Justin écopa de la prison après son passage aux urgences d'un hôpital : il désirait être interné à l'asile psychiatrique mais, comme il n'existe pas d'urgences psychiatriques, on le renvoya. Non traité, pris de bouffées délirantes il s'acharna à casser les vitres de trois ou quatre voitures de médecins, une bagatelle disait-il. Grand et fort, il faisait peur à tous. 
Dilemme pour les urgentistes, la police et le juge : un homme désirant se faire interner dans un asile psychiatrique peut-il être considéré comme fou ? Doit-on, par cette prise de conscience de "sa folie" le déclarer sain d'esprit ? Le juge ne considéra que le passage à l'acte de  Justin et, à ce qu'il me raconta fut méprisant :
- Vous aimez casser ? A votre aise. En prison on vous cassera.

Casser, soit, Monsieur le juge, mais dans le placement d'office que vous préconisiez pour Justin, à défaut de vitres, ici il y a de quoi faire quand on s'en donne la peine et qu'on veut à tout prix se faire interner, pas dans une cellule de prison mais dans celle capitonnée d'un asile. Et Justin avait la santé et de la détermination et, sans médicaments pas mal de folie furieuse à revendre
Rappelez-vous que la prison, tournant au ralenti avait revêtu sa tenue légère d'été avec un service psychiatrique restreint, débordé, peu d'encadrement et d'activités. J'avais signalé son cas à la psychiatre qui le reçut plusieurs fois et demanda que son codétenu l'aide à prendre ses médicaments mais, entre fumer et se soigner, Justin avait fait son choix. 

Curieux, tout de même que notre gaillard puisse casser des voitures pour exiger d'atténuer à tout prix sa détresse et, en prison préférer sombrer dans sa maladie pour pouvoir fumer, le manque insupportable de cigarettes en prison, plus douloureux que son mal-être le remettait, sans ses médicaments qu'il échangeait contre du tabac dans sa folie encore plus délirante.
En prison ? Pouvoir fumer, et qu'importe la folie. Libre ? Tout tenter pour sa santé mentale, et qu'importe la gravité des actes délictueux. Insensé, sans mesure, sans nuances, hors toute réalité et délinquant, voilà Justin mais, reconnaissez qu'en prison il devenait encore plus fou, véritable danger public qui occasionnerait de plus graves dommages que des vitres brisées... 
 
A moins d'un mois de cette sortie qu'il appréhendait, Justin cassa sa télévision. L'Administration parlait de lui faire payer le poste par retenues sur son pécule puis en le poursuivant à sa sortie. Il n'avait pas d'argent. Ils pouvaient toujours courir. Ça le faisait rigoler. Disons que, en l'affaire, il raisonnait sainement et justifiait de son placement en détention.
Puis, revenant à sa folie, il s'amusa à mettre le feu à sa cellule et, ne sachant pas que les matelas synthétiques dégagent des fumées toxiques, il faillit mourir asphyxié avec son codétenu. Même les peintures avaient brûlé. Un coup de pot que cela se passait dans la journée et que les gardiens réussirent à les sortir à temps.  

On le logea seul dans ma cellule et on me déplaça dans celle de S.N.P. la petit souris que l'Administration avait fait empoisonner, l'insalubrité étant sa hantise tout autant que les possibles émeutes de l'été. En promenade, Justin délirait sur sa sortie imminente et, ne faisant qu'en parler prévoyait encore de casser les vitres des voitures aux urgences si on ne le plaçait pas dans un asile. La prison ne lui ayant rien appris, on peut estimer qu'il était fou à vouloir recommencer à casser, revoir le même juge et se retrouver encore à la même Maison d'arrêt de Nîmes.
Une semaine avant son départ, il commença à tambouriner à la porte puis allait à sa fenêtre en vociférant à longueur de temps. Et de la fenêtre à la porte, et ainsi de suite. Toute la journée.

Les cellules du général Washington et de votre serviteur, le marquis de La Fayette encadraient celles de Justin. George tentait bien de le calmer, surtout le soir lorsque l'animal encagé se faisait plus furieux :
- Justin, ferme ton gueule, bordel. Petite branlette et dormir ! Demain, une cigarette ... Un temps de silence puis Justin recommençait son barouf. Alors, George de guerre lasse terminait par un aimable Shut up, bastard ! et autres Fuck you, son of a bitch, le tout intraduisible.
- Washington, laisse tomber...
Justin nous aimait bien, Georges et moi mais rien ne pouvait le retenir dans sa folie furieuse et, le dimanche d'avant le mercredi de son élargissement, je crois, il cassa tout et encore un poste de télévision, celui de mon ancienne cellule.

Le lendemain, dans la cour de promenade, Justin s'agitait toujours plus, s'excitant comme un gorille dans son simulacre de l'attaque d'un intrus, grondait, menaçait même George qui lui avait refusé une cigarette pour le punir de son tapage nocturne : quelque pas rapides en avant, cri rauque, masque terrifiant puis vive reculade. 
- Justin, je vais casser ton gueule. Faut dire que Washington savait montrer sa musculature pour n'avoir nul besoin de se battre. 
Pratiquement, tous évitaient Justin parce que l'animal était jeune, grand, fort, puissant et, comme nous avions plus de patience, de temps et de perspicacité pour le jauger que son juge, nous savions qu'il était fou à lier. Et dangereux sans ses remèdes. 

Heureusement que Justin ne recevait même plus les 20 euros* de pécule par mois octroyés généreusement aux indigents de la prison, rapport à la première télé cassée et que, fumant plus-plus il avait donc grand besoin des promeneurs pour réclamer la permission de tirer une bouffée à leur clope, ce qui le calmait et l'obligeait à sortir de son isolement pour communiquer avec nous.

Par bonheur encore, comme j'étais honteux de voir mes copains ramasser les mégots des détenus, je leur offrais quelques cigarettes. 
Notre Justin des prisons, dans le besoin me suivait comme un toutou qui réclamerait son su-sucre et je parvenais à le calmer. A coups de cigarettes.

*Le paquet de Marlboro, la monnaie d'échange entre taulards valait 6,50 euro acheté à la cantine et se dévaluait à 5 euro lorsqu'il était cédé en remboursement de dettes.

Interdit de fumer dans sa cellule, je ne sais pas comment il s'y prit mais, le lundi d'avant sa sortie, rebelote, et revoilà Justin qui remet le feu dans sa cellule et, plus grave que la première fois, vers les 20h30 alors que l'étage semblait vacant de tout surveillant. C'est alors qu'une fumée noire, épaisse poussée par le vent envahit d'un coup ma cellule.
- Merde alors. Ce con de Justin a remis ça ! Il va cramer. Et nous avec.
On ferma vite la fenêtre et on appuya sur la sonnette pour que le gardien voie la lumière s'afficher dans le couloir et dans son poste de veille. Pas de bruit de pas dans le couloir. Alors, on tambourina sur la porte d'acier comme des fous. Georges Washington fit de même avec ses deux colocataires. Puis, tout l'étage enchaîna. Au troisième et au quatrième, pareil. La prison semblait toute à l'émeute.

Quatre à cinq minutes de chahut monstre, c'est long, angoissant dans tout ce raffut infernal impuissant à déclencher l'arrivée des secours, surtout qu'on n'entendait plus la voix de Justin. Ensuite, tintements de trousseaux de clefs et halètements caractéristiques des masques à oxygène des gardiens firent cesser les cris des détenus et les roulements de tambours sur les portes.  
Clac. Un seul clac pour une fois. Du premier, le silence gagna lentement les deux autres étages tandis que dans notre cellule, avec mon codétenu nous tendions l'oreille contre la porte pour suivre les opérations. On s'attendait à réentendre les cris de Justin, mais rien. Puis ce fut le chuintement des pneus du chariot de la bouffe se déplaçant dans le couloir. Aller-retour. Les gardiens se taisaient. Un silence de mort.
Le lendemain, aucune nouvelle du forcené et, comme après chaque "clash", la prison reprenait son rythme de croisière d'été. Etait-il au mitard ? Pas si sûr, pourtant Justin le Fou et son histoire disparurent comme par enchantement de nos préoccupations, les nôtres nous suffisaient. 

Quelques jours plus tard, en allant en promenade, la porte de mon ancienne cellule étant ouverte avec des détenus qui la remettaient en état, outre l'odeur caractéristique des feux de matière plastique je constatais que la peinture, surtout celle de la porte d'acier était complètement noircie et craquelée. Il y avait eu un feu violent comme si le matelas avait été poussé et s'était embrasé contre la porte, Justin devant se tenir près de la fenêtre. Certain. Mais au vu de l'opacité de la fumée noire toxique qui avait envahi rapidement notre cellule dès le début de l'incendie et de l'étendue du désastre sur la porte et la cellule, Justin ne pouvait que revenir encore une fois à la case départ, aux urgences de l'hôpital. Ou mort.

L'enchaînement vers la prison était prévisible : Bouffée délirante ? Possible mais pas de spécialiste de la folie aux urgences. Les médecins et le juge estimaient qu'en réclamant un internement psychiatrique et en passant à l'acte, Justin était sain d'esprit. L'affaire était grave. Tolérance zéro de la Justice pour les agresseur d'urgentistes. Comparution immédiate. Pas de psychiatre pour examiner Justin ? Ou un nul dans sa spécialité ? Un juge débordé, fatigué ? Justin se défendit-il seul ? Avait-il demandé un avocat commis d'office qui aurait réclamé une expertise psychiatrique ?

Résultat prévisible : le juge placera en détention un homme considéré comme saint d'esprit qui se révèlera encore plus malade mental en détention et qui mettra en danger, lui et ses codétenus et des Justin, sachez que la prison en regorge. 

Les urgences amenaient Justin en prison et la prison renvoyait ce fou à son point de départ vers des vitres de voitures à casser pour pouvoir se faire interner. Mais où ? Serait-ce le balancier du destin ? Et Justin, aurait-il péri en prison ?

samedi 24 septembre 2016

Au Procureur Général.



On promet dix mille places de détention en plus. Voilà le bon français rassuré mais cela représentera moins de 5.000 cellules. Réfléchissons un brin, et sainement s’il vous plaît…

On parle de construire 5.000 cellules pour désengorger la prison ? Tous les nutritionnistes de France se tapent sur le ventre : pour la prison française, cette vieille dame toujours gavée comme une oie du Périgord par la délinquance, les juges, les procureurs, une mauvaise "sectorisation" de la justice qui n'arrive plus à gérer les flux et, quel que soit le régime minceur il ne pourra qu’être inefficace, voire dangereux. Le mieux serait d’attendre la mort de la vieille dame comme celle d'Albert. Mais ce n’est pas demain la veille et elle continuera à grossir puisque l'on découvre tous les jours de nouveaux sujets de délinquance, la société se faisant toujours plus intolérante.

Pas de régime minceur efficace possible sans traiter l’ensemble des paramètres qui engorgent la prison. Le mieux serait, en même temps qu'une bonne diète, une purge sévère pour vidanger ces soues. De même, oser parler de construire de nouvelles prisons sans commencer aussitôt l’embauche et la formation des futurs personnels pour les gérer tout en étoffant les autres établissements est d’une telle indigence républicaine que je vous salue bien bas, camarade Ministre de la justice.
Avoir des idées politiques, et donc humaines, saines et utiles en France, on peut toujours rêver.

Commençons par les détenus qui n’ont rien à faire en prison. Par exemple, Yvon prenait la place d’un détenu dangereux et surchargeait la prison. C'est ma conviction. Et, des Yvon, j’en ai rencontré de nombreux, tel Albert, ce vétéran parachutiste d'Indochine et d'Algérie de 82 ans, le Bébert diabétique devenu impotent dont les yeux, encore une fois opérés larmoyaient toujours et maintenu en prison tant qu'on le pourrait et jusqu’à sa mort prochaine. Pour le réinsérer ? Complaire à la société, à la victime ? Foutaises. 
Je n’aimerais pas me regarder dans la glace en me rasant le matin, si j’étais le directeur de la prison, le service santé ou un de ces juges de la collégialité qui le maintenaient enfermé, quoi qu’il ait commis.
- Faut que tu sortes, Albert. Tu veux que j'écrive à Taubira, au Procureur général ?
- Gilou, ça sert à rien. Quand les juges te tiennent, ils ne te lâchent plus.
- Taubira fera quelque chose pour toi. On parie ?

Madame le Ministre de la Justice se sera déchargée sur le Procureur général de Nîmes qui aura, j'en suis intimement convaincu fait le nécessaire, et je remercie ce magistrat. Taubira aussi.
Un jour, pendant la distribution du repas de midi :
- Brassens, ça y est. Je sors dans deux mois, le 13 novembre.
- Sont quand même salauds, Albert. Ils auraient pu te relâcher pour que tu puisses participer aux cérémonies du 11 novembre.
- Je m'en fous, mon copain. Merde, je peux même pas l'arroser !

Je crois bien que ce fut ce qu'il me dit. 
 
Albert, ce vieux serviteur de la France avait sans doute dérapé et on attendait qu'il meure en détention pour libérer une place, quelle honte pour la France qui remerciait ainsi un de ses serviteurs !
  
C’est pourquoi, très cher Ministre de la Justice, après le tri des détenus à maintenir en prison et ceux à élargir, occupez les détenus, formez et augmentez les personnels de la prison et elle perdra un peu de sa surcharge pondérale, s'humanisant ainsi.
Si vous ne le faites pour votre renom, pensez à celui de la France et ça m'ira comme ça !

jeudi 22 septembre 2016

La Cour d'Appel.

La Justice, seul espace clos de France qui s'exonère de toutes responsabilités en ne rendant aucun compte à la France justiciable*, encore moins à l'Europe. (Justine OULECHE). 
Un service public normal, pas normal ? Question : tous connaissant les manquements aux droits de la personne humaine en prison, doit-on poursuivre les juges, les Procureurs, le directeur de la Maison d'arrêt et les gardiens pour leur participation à une bande de malfaiteurs ? Faut croire qu'en France, seuls les délinquants doivent respecter la loi, faute de quoi...
*Pas tout à fait exact car la Justice s'explique par les attendus de ses jugements. Indigents, toutefois. Comme les gosses : "Pourquoi ?" "Parce que !" "Pourquoi pasque ?" "Pasque pasque !" Un an de taule, et servez bien chaud. 

De la prison à l'audience. La police nationale t'attend près du greffe. Deux hommes et une femme. On te menotte dans le dos pour te mèner au fourgon cellulaire. Sept ou huit box inconfortables, étroits. Un petit grillage dans la porte, assis dos à la route.
Un jeune rebeu du troisième étage en tee-shirt bleu-clair. Un autre que je ne vois pas, enfermé avant moi qui sera une jeune femme. Nous attendons le quatrième qui se fait désirer en énervant gardiens et policiers.
-Il renonce à l'Appel. Vous pouvez y aller.
La policière se tient sur un strapontin près des box. On voit le boulevard extérieur, les voitures, les piétons, les arbres. Je connais Nîmes, je me situe bien.

Une prisonnière, une voleuse de l'est d'une vingtaine d'année demande dans le fourgon :
-Ils sont méchants les juges. Elle avait peur d'être extradée. Que lui répondre si ce n'est :
-Non. Faut seulement que tu leur parles poliment, avec respect. Tu vois, c'est un peu comme avec ton père ou ta mère : surtout, ne pas leur mentir, ils le sentiraient. Pourquoi es-tu en prison ?
-Mon copain. C'est un français. On volait ensemble. Après, il a pris une pouffiasse, m'a battue, m'a jetée de la maison et comme je voulais qu'il revienne avec moi, ce salaud m'a donné aux flics.
-Dis aux juges ce que tu as dit aux flics.

Le fourgon pénètre dans la sourricière du Palais de Justice. On nous mène par de longs couloirs vers la salle d'audience. Un policier m'attrape par les menottes :
-Vous courrez vite, Monsieur l'agent ? Moi si. J'arriverais bien à vous semer, menottes dans le dos.
-Faites pas le con, Patrice. Et il m'agrippe plus fort. La policière s'occupe du jeune, le dernier agent de la jeunette qui lui fait les yeux doux. Un beau brin de fille. Dommage qu'elle estropie son français.
Une petite salle d'audience. Deux box des accusés. Les gendarmes déjà arrivés avec leurs prisonniers. Aucune connaissance en vue. Tant mieux, sommes mal barré toujours menottés dans le dos.
 
Un bon mot sur mes juges :  "excessifs". Deux femmes juges. Pas bon signe car j'avais giflé une de leurs consoeurs. Problème il y avait dans le box avec nos menottes dans le dos. Un jeune rebeu exigea des policiers nationaux d'être attachés par devant comme l'avaient fait, dans le box d'en face les gendarmes. Impossible sans l'accord du Président.
-Fais comme moi. Montre leur tes menottes, mon gars.
-Vous êtes fou, Patrice. Les juges vont vous saigner.
Présente à l'audience, Julie pleurait. Fanny, dans son tiers-monde manquait à l'appel. 

Seul dans le box, je présentais mon cul pour attirer l'attention des juges sur mes menottes dans le dos. Cinq grosses minutes à faire l'oeuf des skieurs pendant que ces messieurs-dames m'ignoraient comme d'une crotte de chien qu'on évite en attendant une vidéo-conférence et, effectivement qu'il y avait un bel et bon outrage. Mais pas à magistrat qui ne se respectaient pas en manquant à leurs devoirs, eux qui évitaient d'admirer ce cul  offert à leur sagace humanité, de bien belles fesse au demeurant,  qu'on se le dise offert. Grand dommage pour elles. Pardon ? Non, pas pour mes fesses. Pour elles. 
Première affaire par vidéo-conférence. Expédiée. Les juges se levèrent pour délibérer. Un temps, puis la Présidente, s'arrêtant et se retournant vers la télévision :

-Pardon, qu'est-ce que vous avez dit ? Salope, vous avez dit salope ! L'autre, dans le poste :
-Mais, je n'ai rien dit, Madame le Président ! 
-Oui, j'ai entendu. Vous avez dit : salopes ! Faites attention, faites très attention ! renchérit le premier assesseur, une autre femme.
Moi ? Je n'avais rien entendu de tel. Mon codétenu et notre escorte non plus. Résultat ? Le gars à la vidéo-conférence, un espagnol mangera, comme ont dit si bien.
Tous se regardaient dans le tribunal : l'arène sentait la mise à mort. 
Ensuite, ce fut le tourniquet de mes juges qui me sortirent dès leur arrêt rendu parce que je les avais énervés et qu'ils ne voulaient pas que je sache, sans doute ce qu'avait commis mon codétenu. Voyez qu'un peu d'intelligence dans un tribunal nous rassure sur l'humanité des juges. 
Retour au bercail, seul dans le fourgon, sans parler, la policière me faisant la gueule. N'appréciait certainement pas les rustres.


Oh, que je vous entretienne de cet assesseur plein d'un je ne sais quoi : un poète, mais à éviter quand même si on aime la posie :
-Vous êtes en pleine forme, Patrice. Vous avez fait une grève de la faim et vous courrez tous les jours. Un an de prison, ce n'est pas si long que ça, pourquoi faire appel ?  
Effectivement, pourquoi si les juges de l'Appel de Nîmes, réputés pour mettre une louchée de plus qu'à l'instance à seule fin de désengorger les tribunaux ne se chargeaient de dégoûter les justiciables d'une bonne Justice ? On se le demande.
-A 67 ans, il me reste combien à vivre, Monsieur ? Vous le savez ? Un an de prison est peu de chose ? Qu'en savez-vous et je peux mourir en cellule ce soir ou demain. Vous connaissez mon espérance de vie ? Et je n'ai pas vingt ans, n'est-ce pas ! 

Un tel Conseiller qui n'aura jamais tâté de la prison qui distribuait des années de réclusion à la pelle, sans rien connaître des conditions dégradantes de l'enfermement, jugeait-il avec discernement ? Fallait m'en méfier. Un irresponsable que ce monsieur qui m'a rendu lâche car, après l'énervement des deux femmes juges, je n'ai pas oser lui lancer le mot favori d'Américo. Qu'un tel monsieur puisse juger sainement, on reste confondu. 
Après ? Retour à la case départ avec quatre mois au lieu de douze. Sans remise de peine, ce qui est une autre honte du système judiciaire français : on te punit d'oser te pourvoir en Cassation. Pour désengorger nos tribunaux, ben voyons, encore une méthode qui fonctionne à merveille, tous les bons avocats vous le diront !...

Un an de prison, mais ce n'est rien comparé à... Comparé à quoi ? Je ne sais. Mais, la prison, n'est-ce pas incomparable ? Aussi, comprenez mon hésitation.

samedi 17 septembre 2016

La psychiatrie en prison

Article 2 du code de déontologie des gardiens : L'Administration pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et des lois et règlements. (1er alinéa).
Apprécions sans oublier que la France, bonne délinquante se fait condamner en permanence par l'Europe pour ses atteintes au droit des personnes maintenues en détention ! Faisons confiance à notre Administration pénitentiaire réputée pour sa tolérance, sa bonhommie et à sa capacité à accepter que les juges surchargent les prisons, pour les transformer en hospices de vieux, de malades, d'impotents, de pauvres et en asiles de fous.

Quartier des arrivants. Dès le 18 juin, choqué j'étais reçu dans une cellule à trois lits avec douche par un personnel nombreux, efficace et un excellent service médical et social. Mais, en isolement toutefois. C'est certainement ici qu'on me déclara maniaco-dépressif, suicidaire ce qui me gratifiera d'une surveillance particulière la nuit jusqu'à ce que j'arrive à faire comprendre à la psychiatre, un mois plus tard que je m'aimais, oh que oui et bien trop pour vouloir me supprimer et que, quitte à tuer  quelqu'un, je commencerai par mon prochain. L'hyper-surveillance cessa illico.

Des femmes en prison. Le quartier des arrivants se situait à peu de distance de celui des femmes qui, à la nuit tombée se mettaient à la fenêtre pour chanter en voix. Divines. En les écoutant, je prenais plaisir à improviser doucement une partie de basse ou un ténor pour les accompagner. Un ravissement. A en pleurer. J'imaginais ma parfaite Eloïse chantonnant tout en écopant à la fontaine une eau fraiche au creux de ses douces mains pour me consoler, moi qui me résignais mal à mon impuissance. Abélard ne bandait plus.

Les braiements d'un âne. Tous les soirs que Dieu faisait les femmes relançaient la sérénade. Un jour, à la rupture du jeune du Ramadan, du quartier des hommes et du troisième à n'en point douter un abruti complet se mit à leur hurler des insanités, et personne pour le faire taire, ni codétenu, encore moins les gardiens :
-Vos gueules-leeuh, salopes-peeuh, putains-ain-ain-ain. Montre ton cul connasse-seeuh !... et autres saletés plus vilaines. 
J'aurais aimé, qu'à se comporter ainsi il ne fasse pas partie de ma race, mais l'accent me persuada qu'aucun ramadan ne pourrait l'amener à la fermer ou à demander aux filles de poursuivre leur chant angélique, mais tous ces "putains-ain-ain-ain", c'était pas chrétien, Nom de Nom. Tout empli de connerie que cet abruti. Désespérant.

Ce fou haineux craignait Dieu tout en n'aimant pas les voix divines de ses créatures, ces femmes réprouvées des hommes, ces "connasses". Pourquoi ? Je ne sais, mais la réponse au berger ne tarda pas et, si le chant des bergères se tut, les grossièretés envoyées par dessus murs, cours et barbelés ne manquaient pas de piquant, la douceur et la candeur féminine n'y trouvant plus leur compte. Ni la poésie :
-Nique ta mère-reeuh, connard-reeuh. Enculé-éééh. Pédé de ta race-ceeuh ! Pointeur de merde-eeuh ! Faut dire que l'autre fada avait déchaîné nos nanas et, s'excitant de plaisir il en rajoutait toujours plus. Et elles répondais à l'envi.

De la psychiatrie. Au bout d'un mois que je moisissais à l'étage des "pointeurs", mon copain de cellule me proposa de prendre rendez-vous avec la psychiatre. Je lui demandais s'il n'était pas un peu taré :
-Les psychiatres ? Des fous parmi les fous, sauf 4. Je connais. J'ai travaillé avec eux. 
-Peut-être. Mais pas elle. En plus, elle est canon. Rien que tu la vois, mieux que la télé

Je ne savais ce qu'il voulait signifier par là, pas même si aujourd'hui je retranscris exactement ses paroles, mais mon codétenu excita ma curiosité, et quand elle vous tient, surtout en prison...
Je mis peu de temps à demander un rendez-vous avec la plus belle femme que jamais je ne vis, et ce n'est pas le manque qui me fait dire. Se fondant sur le rapport des arrivants, elle me demanda ingénument si je n'étais pas dépressif par moments et m'entretint sur la maniaco-dépression. Non, mais dis donc !
Elle me présenta quelques feuillets sortis d'un ordinateur que j'acceptais d'étudier en cellule. En relatant cette entrevue je sais maintenant qu'elle les avait écrits et que j'avais manqué alors, pour une fois d'intelligence. Etonnant, n'est-ce pas, mais devant tant de beauté, et la belle était si belle, et moi, en face abruti en manque de beauté, de grâce, de délicatesse, de parfum et d'odeurs de femmes, en un mot je devenais un ravi incapable de discernement !

-Docteur, sauf votre respect, la maniaco-dépression, une élucubration de psychiatres. Euphorie, tristesse, bonheur, malheur c'est  la vie toute en folie, non ?
Je lui suggérais de mener une étude sur la violence des jeunes d'origine maghrébine qui ne serait que la résultante de l'éducation par les femmes uniquement, le père n'ayant que la charge de présenter l'enfant dès sa circoncision aux autres mâles de la communauté. L'enfant ne pourra donc jamais tuer le "père" mais s'acharnera sur la société des "pères". Je suggérais même un titre à ce mémoire : Oedipe : incognito au Maghreb.

Quelques discussions en promenade. Dans la cour, j'avais pris l'habitude, avant de commencer à courir de prendre un quart d'heure pour discuter avec mes compagnons et j'étais certainement le seul qui parlait de sexualité, en commençant par la mienne. Se révéler pour autoriser l'autre à se parler, un truc d'éducateur. Ça marche mais il faut savoir interpréter les dire. Les entendre, quoi !
-Pas possible. Tu es obsédé, dis donc ! Le sexe, toujours le sexe ! T'as pas autre chose à la bouche.
-Depuis que je suis enfermé je n'arrive plus à bander, ça m'inquiète et faudrait pas en parler ?
-Parle pour toi. Moi, tous les matins je me réveille sur la béquille.

L'homme à la moto sur béquille. Le copain m'inquiétait : j'étais seul sans vigueur et lui regorgeait de sève ? Pas normal, tout ça. M'en ouvrir à ma psychiatre ? Du bromure dans la nourriture ? Allons nous faire rassurer, ce qu'elle fit sereinement par un :
-Rassurez-vous, pas de bromure : vous souffrez tous de ce trouble mais peu osent en parler. Et ça reviendra. Croyez-moi ! La dame parlait d'or !
Après ma sortie de prison, le même qui me parlait de moto et de béquille bien dure au matin m'avouera par lettres que, pendant toute l'instruction de son procès qui dura huit longs mois, il ne retrouva sa virilité avec bonheur qu'après sa condamnation qui seule le réinscrivait dans son humanité, tandis que moi même il m'aura fallu attendre bien après mon appel du 24 juillet pour retrouver une début de bandaison molle. 
Du 18 juillet, jour de mon arrivée en prison, Waterloo morne plaine au, 24 juillet 1702 et le Pont-de-Monvert, déjà 37 jours de détention. Ah, quelle histoire, mais que le temps me dure pour pouvoir enfin ériger une stèle à Marianne ou faire une carte de France dans mes rêves sur mon grabat !

Pas d'épanouissement sous les miradors. La sexualité contrainte par la mise en cellule à deux, voila la prison, toujours sous un regard, comme en un perpétuel jugement de l'autre, aussi la masturbation posait problème en cellule et, lorsque l'un refusait de sortir en promenade, il y avait fort à parier qu'il s'escrimait à se chercher pour se trouver entier, bien vivant. Rien qu'à l'odeur au retour, on ne pouvait que constater.
Mais, la sexualité passait aussi par les films "salaces" d'après minuit. Une horreur !
-Ça t'ennuie si je mets un porno ? Non, ça ne m'ennuyait pas, lui qui purgeait une longue peine. A jouir, il n'était que les films X.

Les films X pour les pointeurs. Photographe amoureux des femmes, j'aime suggérer les pulsions par de légères touches, aussi les films X n'étaient pas pour moi : trop de bestialité, trop de violence. Dégradant, bon pour soigner les pointeurs, seul remède que la prison leur propose.
Notre troisième compagnon de cellule se couvrait la tête de sa couverture en faisant semblant de dormir mais ne manquait aucun des dialogues des films de cul, j'en mettrai ma main à couper, et Dieu sait s'il étaient suggestifs, lui qui, venant d'Afrique en ayant eu affaire à des enfants me demanda, un midi, au Scrabble ce que signifiait ZOB...
-ZOB, c'est pas français... Ouais ! Si on veut, mais cherche bien. 

Eros et la poésie... Avant que je ne l'oublie, que je vous dise tout le bien que je pense d'une scène entre deux femme dans "le Dernier Empereur"... scène que l'aurais aimée imaginer : une splendeur ! D'accord, ce n'est que la tendre caresse d'un pied, en toute apologie de l'amour entre femmes, soit mais quelle douceur, quelle finesse dans la suggestion. Du grand art !

La salle des douches partagées. Pour nous, vieux détenus ayant passé par l'armée et jeunes fous de la permissivité sexuelle des années 70 qui, à la douche commune nous mettions à poil tout naturellement pour prendre un bain de bonheur, bézette à l'air, nous nous sentions libérés de la prison par nos fous rires, sauf qu'un jour, un jeune gitan de vingt ans se lamenta :
-Grand-père, tu devrais pas te doucher comme ça. C'est pas bien. Mets un slip.
-Oui, mais c'est bien pour moi, tu comprends ? T'occupe, on est habitués.
Ce grand-père, lancé en toute affection, je ne l'appréciais pas, et pas si sûr que c'était mieux de voler les câbles de cuivre de la SNCF et de bloquer les voyageurs dans les trains, plus décent peut-être pour ce jeune qui ne comprenait pas et n'acceptait pas d'être condamné à payer 800.000 euros pour les dommages occasionnés.
Je relatais l'évènement à mon pote français "pur porc", nous qui étions souvent tout nus le soir dans la cellule à visionner des films X pendant que le troisième faisait semblant de dormir :
-Envoie le chier. S'il te cherche encore, tu vois avec Akim.

La prison, c'est aussi de l'affection. Un jour,  mon ami Akim demanda au Poisson pourquoi il me crachait dessus. Sa réponse ? Ahurissante :
-Brassens, je l'aime bien. Il a des couilles, ce mec. Incroyable, mais vrai. Des couilles moi ? Moi qui avait maille à partir avec ma sexualité déficiente ?
Mais, que dire de cet officier qui lui permettait de me souiller en toute impunité ? Qu'il s'asseyait sur le Code de déontologie des personnels pénitentiaires par convenance personnelle, par bêtise, par affection pour moi ou qu'il n'avait pas de couilles parce qu'il craignait le 3ème étage de la prison et ses Animaux ? Pour seule excuse, je lui accorderais qu'il portait beau dans son bel uniforme bleu, avec ses deux barrettes de chef et que la beauté sait toujours se faire tout pardonner.


Bou g'hisane, ce malade mental, cet étron personnifié, déchaîné par tacite autorisation de mon officier de détention se prenait pour un marlou, toujours habillé à la dernière mode, portant chemise à col cassé comme pour signifier qu'elle était neuve. Ce Poisson était le seul à tourner dans son bocal dans le sens des aiguilles d'une montre, le contresens des insensés, toujours dans ses rêves à parler seul, droit dans ses chaussures italiennes, sérieux comme seuls les aliénés savent se montrer, ce mauvais garçon pensait se comporter en machos des films noirs américains des années 30-40, la démarche lente, chaloupée, empruntée.
Ce poète au verbe pondéré, au crachat de gorge choisi, roulé, aggloméré remonté, au jet effectué à la perfection, je le haïssais :

-Enculé, nique ta mère, ta mère la pute. Dommage que le Poisson possédait un physique ingrat laissant à désirer avec des yeux de merlan frit qui, malheureusement attendrissaient toutefois sa mocheté. Et gringalet pour parfaire le tableau, un clou de maigreur. Sa mère s'en était-elle excusée pour le consoler ?
Moi, à force j'avais bien appris de cet animal malfaisant :
-Ho, le beau gosse, tu t'es regardé ? Fais un procès à ta mère. Tu gagneras.
-Nique ta mère, la grosse putain. 
-Vrai. Même qu'elle travaillait dans le même bordel mobile de campagne que la tienne. N'oublie pas ton père, un légionnaire français et son petit coup en passant vite fait avec maman, sans capote. Alors quand elle te dit qu'elle t'a désiré... comme l'ânesse désire son ânon. Imagine, abruti d'arioul. 
 
Un beau lieutenant de la pénitentiaire. Et ce salopard de Poisson pouvait imaginer tout en m'aimant à sa façon. Heureusement qu'il ne me haïssait pas et qu'un lieutenant de la pénitentiaire, tolérant et respectueux en toute déontologie de Spitman, le cracheur le laissait tout à sa libre expression.
Mais, ce lieutenant, un beau mec au demeurant, baraqué vivant dans ce monde de fou qu'est la prison n'était-il pas excusable ? Et ne sommes-nous pas chrétiens et ne devons nous pas tout pardonner ? Je vous le demande.
Quand à tolérer les offenses d'un animal dangereux, Christ n'exige rien, voila pourquoi on se doit de le piquer, pardon à la SPA, mais il faut ce qu'il faut.

Toujours l'article 3 : Les valeurs de l'administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle de droit. 


De vous a moi, mon Capitaine, votre gentil lieutenant permissif sévissant dans votre "Maison de tolérance" n'aura-t-il pas signé les yeux fermés, tout comme vous ce Code de déontologie impossible à observer et pas que par manque de moyens, n'est-ce pas mon cher ? Par jalousie, par bêtise, parce que Patrice avait du charisme et devenait un détenu modèle, mais un emmerdeur quand même ?
Ne dites pas que je suis fou, mon Capitaine, vos vidéo de surveillance me feraient marrer comme un bossu aujourd'hui. On vous les a bien montrées, n'est-ce pas mais votre courroux ne s'exprima que lorsque je traitais de bourricot le plus fringant de vos surveillant du greffe qui m'aura trompé comme dans une corne de bois.

La cellule, dernier rempart. Seule havre de respect, de paix, de convivialité, de civilités et d'amitiés fortes, la cellule et le plumard vous mettent à l'abri de toute cette violence que génère la prison. 
Oui, seule la cellule protège des autres détenus et des gardiens, pas toujours mais souvent. Encore faut-il que ces incapables majeurs de détenus soient bien appairés, et pourquoi pas, et c'est là que se situe le rôle du Capitaine de la pénitentiaire qui peut vouloir casser Georges Washington ou le marquis de La Fayette dans le temps qu'il aidera Mouloud ou Xavier faisant ainsi montre de son discernement régalien.
Quant à l'accouchement des  lumières, à la béatification... au respect de la personne humaine, toutes affaires qui ne concernent pas la prison, on s'en doute bien un peu, certains affirment qu'on manque de moyens et de temps, d'autres de perspicacité et d'humanité. Mais, entre-nous, tous se foutent de l'état des prisons.

Une souris en prison. Ajout final en toute tristesse : il était un jour une petite souris et des hommes dans ma cellule de la Maison d'arrêt de Nîmes. La 110, je crois bien, la mieux foutue avec deux lits au sol. Tous les matins, vers les quatre heures elle nous réveillait en rongeant une des armoires pour faire sont nid. Elle attendait des petits, enfin c'est ce que l'on pensait, qu'on espérait même et elle ne nous gênait pas. Bien au contraire car elle était notre compagne des jours mauvais, incarcérée comme nous.
Et nous écoutions en silence les bruits de la vie, heureux de cette compagnie "féminine".
-Lui : On l'appelle comment ?
-Moi : On l'appelle Nana. 
 -Lui : N'importe quoi !
-Moi : Et pourquoi pas SNP ?
J'ai dû expliquer : SNP signifie sans nom patronymique. Donc, tout comme nous, déshumanisée, la souris, sans existence légale ne sera pas nommée. Tristesse que la prison.

S.N.P. serait-elle gravide ? Curieusement, pendant plusieurs jours on n'entendis plus les grignotages de la petite souris. Nous avait-elle fait ses petits ? Pensez, des naissances en prison ! Fallait-il les déclarer à l'administration pénitentiaire ? Nous hésitions fortement pour d'évidentes raisons. Aussi, la petite souris clandestine, nous la gâtions encore plus avec du pain, du fromage et de lait. Pensez, notre famille s'agrandissait pour nous réjouir. Des bébés à nous tout seuls !

Un imbécile heureux fait son boulot. Une après-midi, après la promenade nous vîmes deux détenus accompagné d'un gardien sortir de notre cellule. Ils étaient venus vérifier que le poison qu'ils y avaient glissé à notre insu avait fait son effet.
-Elle vous emmerdera plus, la souris. 
-Faudrait-il que je te remercie, connard ?
L'autre imbécile heureux croyait nous avoir fait plaisir.

En prison on grossit tout : une peine devient un chagrin. Un courrier reçu, une joie immense et une toute petite souris gravide, le paradis. La vie n'est-elle pas parfois folie douce, parfois furieuse ? Mais folie, surtout en prison.

vendredi 9 septembre 2016

De l'enfermement


"Rassurez-vous, braves gens : la Justice nous jette en prison pour nos injustices. Normal. Dommage qu'on nous y agresse en permanence sans que cette même Justice ne contraigne les procureurs à nous défendre. Normal, on ne nous entend plus.   (Mouloud A. dit Z.O.B.).

La prison, toute contenue en ses hauts murs, ses miradors et ses barbelé aux épines coupantes comme des rasoirs se divise en quartiers réservés, à l'imitation des casernes avec ses bâtiments dédiés, ses cours et couloirs désertés conçus pour que les détenus ne puissent se rencontrer à seul dessein de punir. Par l'isolement et la désespérance d'être devenu un moins que rien. La Justice ne conçoit pas d'amender autrement la lie de la société considérée comme irrécupérable et qui le contesterait serait de mauvaise foi.

La taule, dont seules les crapules se vantent d'y avoir suivi, assidus pour une fois ses cours adaptés à la délinquance, au crime et à l'intégrisme, cet état de non-droit ne peut que saloper encore plus la ville à l'élargissant de centaines de détenus devenus dangereux. Certains de mes lecteurs pensent à juste raison que mes textes ne dépeignent que leur misère et cette impuissance à ne plus pouvoir contrôler leurs peurs avec, au final le désespoir de n'attendre plus aucun secours dans les rues de la mal-vie mises en coupe réglée par le canaille qui ne voit aucun mal à exercer son extrême violence, force restant à la loi de la jungle.

Si quelqu'un justifiait cette nécessité des violences librement exercées en prison et édulcorait celles de la vie hors de ses murs sans en rendre la société responsable, je le déclarerais béat laïque et le sanctifierai chrétiennement. Quant à nos gardiens qui ne se vantent jamais d'être en prison, ils en riraient jaune tout ébahis de rencontrer enfin un bel homme perspicace qu'ils proposeraient comme ministre de la Justice, eux qui désespèrent de meilleures conditions de travail seules capables d'arrêter toute cette violence intolérable qu'ils n'acceptent plus.
Enfin, ce type-là, comme ce n'est pas vous, nous le laisserons à ses chimères.

D'autres, certainement de ma propre origine berbère me voudront intolérant, outrancier rancunier, ou mieux, imbécile comme si je ne savais pas que la prison permet la libre expression de tous les vices, nonobstant cette tentation de nos juges à punir plus sévèrement les "arabes" mis tous dans le même sac, racisme d'état excusable car certainement induit par des comportements inacceptables, résultat d'une éducation ratée.

- C'est pas bien de parler comme ça de nos parents !
- Pas même en ne s'attachant qu'aux faits ? Pas de ma faute si un groupe de jeunes détenus français de ta race et de la mienne emmerdait du soir au matin tous les supposés chrétiens, et rien qu'eux jusqu'à cracher sur ce chibani de 67 ans qui pourrait être leur arrière grand-père avec ces "putain de ta mère" qui niquaient à loisir cette mère décédée après avoir vécu en sainte femme en aidant tous les "arabes" du Vigan.

Emmerder pour s'amuser, la belle affaire ! Faut l'oser, mais le goret ne respecte-t-il pas son vieux père de cochon qui pourrait en apprendre aux parents de ces saletés sur l'utilité de l'éducation dans notre société, sachant que leurs enfants se comportent en pourceaux ?

- Mais, ces jeunes ne savent ce qu'ils font. Tu pourrais le comprendre !
- Ben, voyons ! Des inconscients ? Non ! Des insensés qui ne craignent ni père ni mère, pour tout le respect qu'ils ne leur auront jamais témoigné et qui abusent de leur dangerosité en jouissant du bordel qu'ils mettent prison et salopent la France en toute conscience. 
- Mais, ce sont les premières victimes de la société...
- Mauvaise pioche : ces nuisibles ont parfaitement assimilé la leçon de la rue qui veut qu'on ne respecte que le fort, le faible ayant tout intérêt à baisser les yeux, sans oublier que ces dangers publics, avec leur ego sur-dimensionné ne font aucun cadeau, ne respectent personne tout en exigeant que leur charria prime nos lois. Quant à la morale républicaine et le bien-vivre, observe ce qu'ils en font. Et qui leur aura mis ça en tête ? Toi, moi ? D'accord, et admettons que c'est personne. Serait-ce par atavisme ? Toute la France n'est pas loin de le croire !

- Ouais, mon ami : des abrutis avec qui il ne fait pas bon vivre.
- Mais non. Ils peuvent évoluer avec le temps. Suffit de leur faire confiance.
- Confiance ? Certainement comme à un chien qui mordrait sans raison valable. A piquer par sage précaution, oui. Pourquoi, mais parce ce que ces jeunes de notre ethnie se comportent en sangliers qui cassent tout ce que la main de l'homme aura produit sans jamais reconstruire. Et, après eux, bonjour la désolation et la ruine. 
- Mais, la tolérance, tu en fais quoi ?...

- Comprendre les violents et ceux qui les protègent en fermant les yeux parce qu'ils sont de leur race et de leur religion m'est impossible, car ces racistes de mon sang devraient se comporter mieux que le français lambda. S'ils se sentent insultés, pas mon problème car je les considère comme la honte de notre race, la honte de la France, la honte de l'humanité. Même le pays d'origine de leurs parents ne les veut plus.
- Mais, leurs parents n'y sont pour rien !
- A d'autres ! Aussi, je te propose d'attendre que le secours nous vienne de ces parents aimants, de la république aimable et de  l'application draconienne de ses bonnes lois, mais ce n'est pas demain la veille. Il nous reste l'ultime secours de l'Eternel en qui nous plaçons toute notre confiance. En Allah aussi ? Aussi. Tiens, pensons à inviter Jéhova dans cette tierce gagnante à tous coups.
- Si tu parles sérieusement, ce n'est pas marrant. Pas bien d'invoquer le nom d'Allah en vain.
- En vain ? Je blasphémerais ? T'en penses quoi, Pierrot ? C'était pour rigoler, non ? 
- Ben, pas tant que ça ! Ils me font peur, tous ces moins que rien mal finis.

Osez dire que j'affirmerais n'importe quoi ! La Gendarmerie algérienne, elle-même attribue l'entière responsabilité des crimes et délits de ceux notre propre race sur le sol de leur patrie, la France aux seuls parents incapables de toute forme d'éducation et qui se déchargent sur la rue, l'école, la police et la mosquée tout en s'insurgeant à l'idée même de correction en te sautant à la gueule pour finir par t'étriper : pas touche à mon amazouze. Quelle merde ils nous ont planté depuis. Tiens, le mot des gendarmes de notre propre race :

- Allez, salopards ! Hop, hop et allez foutre le bordel chez vous, en France. Ici, chez-nous, on est propre.

La seule solution ? Le bon savon de Marseille pour leur laver la bouche, la férule du Maître enfin respecté par les parents et, pour parfaire leur éducation, le bâton affectif bien appliqué par le papa réinscrit dans ses droits de père à tous manquements à l'honneur et autres entorses à la convivialité. Après, la France les aimera. Enfin, on espère qu'il en est encore temps.
Mauvaise méthode ? Mais, non car elle a fait ses preuves alors que le laisser-faire renvoie l'enfant à sa bestialité première, la grande pourvoyeuse des prisons.
Et, ras la casquette de l'enfant-roi, si c'est pour en faire ce sous-homme roi de la jungle... 

Parlons du détenu que la prison remet en état d'incapable par la privation de toutes libertés : vous étiez violent compulsif et, pour vous amender on vous renvoie à vos pulsions les plus viles et à des gardiens qui, par impuissance amplifient ce jeu malsain qui, une fois enclenché submerge tout, alors rien ne pourra plus sublimer cette agressivité pour la rendre profitable à tous.
En prison, il n'est aucune contraintes pour les barbares. Point de lois, point de justice. Point de civilisation. Même constat que dans la rue. Résultat ? En abusant de leur force et en y prenant goût, jamais réprimandés, ces gosses tels des lions déchaînés de toutes contraintes par leurs parents sont lâchés dans l'arène pour tuer et complaire à leur public. Tuer en s'amusant, ben dis donc, mon frère !

La prison, négation même de l'idée d'une société évoluée est néfaste au détenu qui ne pourra se reconstruire qu'en en sortant, si tant est que sa peine ne l'ait trop cassé qu'il en deviendrait irrécupérable, inutile.
La parenthèse de l'enfermement n'est que ce temps gâché qui n'aide pas à se bonifier par trop de possibles hors-circuit, de bruit, de violence, d'agressions, de dénigrement, de solitude, de folie, de manque d'affection en mettant le prisonnier dans cette rage des impuissants qui s'exprimera un jour sur le faible, comme toujours. N'en doutez point.

Ce n'est donc pas tant votre temps qu'on veut gérer en prison mais bien de vous punir par l'interdiction de l'approche normalisée de tout humain non dûment contrôlé par l'administration, il n'est qu'à voir le bonheur des enfants visitant papa dans ces parloirs hurlants. Pas de contact physique ni amour, encore moins de sexualité avec l'autre signifie une vie affective impossible et donc l'extinction jusqu'aux possibilités de sublimation de vos pulsions animale de survie qui seules créent l'humanité. Quant à l'intimité et à se caresser soit-même pour se déstresser, difficile. Très difficile en prison et peu valorisant...

Et, si encore on n'avait pas attenté à ma fierté d'être un homme... Mais, que je suis triste de ne pas pouvoir crier à tous que je suis fier* de mon passage à la Maison d'arrêt de Nîmes comme je suis fier de mes universités à Paul Valéry, Montpellier.  
Quant à être fier de mes origines ? Quelques jeunes abrutis m'en auront dégoûté définitivement. Dommage pour eux !

En prison, je n'ai jamais eu de ma vie les ongles aussi propres. Dessus et dessous. Des ongles de feignasses, d'intellectuel même tant je ne branlais rien. J'en avais honte. 
___________

* Petite discussion philosophique avec Jean-Marie, un copain imaginaire avant que ce texte ne paraisse :

- Moi, je suis heureux de n’être jamais entré en prison. La fierté ? Parle pour toi !

- Si on veut. Mais, tout le monde n'a pas ta chance d’y avoir échappé jusqu'à ce jour. Je ne dis pas que tu roules fin bourré, ivre comme un polonais (pardon aux polonais), sec comme un coup de trique, saoul comme une vache, pété comme un coing, rond comme une queue de pelle, pochetronné à mort, mais enfin, tu finiras bien par tuer quelqu’un après avoir fêté un baptême, une communion, un mariage. L'Aïd... une circoncision ? Si tu préfères. Et hop, la prison, mon petit pote. Alors, ton bonheur… tu vois ce que je veux dire ? 
Jamais contrôlé par la gendarmerie plus qu'à la limite ? T'ont laissé repartir ? Pas la première fois. Bon, t'as pas une gueule d'arabe, aussi remercie le Bon Dieu. Et de la chance ? Plutôt une veine de cocu d’avoir échappé à la prison.
Mais, pour ceux que tu n'as pas encore écrasé, là tu peux parler de chance.