samedi 17 septembre 2016

La psychiatrie en prison

Article 2 du code de déontologie des gardiens : L'Administration pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et des lois et règlements. (1er alinéa).
Apprécions sans oublier que la France, bonne délinquante se fait condamner en permanence par l'Europe pour ses atteintes au droit des personnes maintenues en détention ! Faisons confiance à notre Administration pénitentiaire réputée pour sa tolérance, sa bonhommie et à sa capacité à accepter que les juges surchargent les prisons, pour les transformer en hospices de vieux, de malades, d'impotents, de pauvres et en asiles de fous.

Quartier des arrivants. Dès le 18 juin, choqué j'étais reçu dans une cellule à trois lits avec douche par un personnel nombreux, efficace et un excellent service médical et social. Mais, en isolement toutefois. C'est certainement ici qu'on me déclara maniaco-dépressif, suicidaire ce qui me gratifiera d'une surveillance particulière la nuit jusqu'à ce que j'arrive à faire comprendre à la psychiatre, un mois plus tard que je m'aimais, oh que oui et bien trop pour vouloir me supprimer et que, quitte à tuer  quelqu'un, je commencerai par mon prochain. L'hyper-surveillance cessa illico.

Des femmes en prison. Le quartier des arrivants se situait à peu de distance de celui des femmes qui, à la nuit tombée se mettaient à la fenêtre pour chanter en voix. Divines. En les écoutant, je prenais plaisir à improviser doucement une partie de basse ou un ténor pour les accompagner. Un ravissement. A en pleurer. J'imaginais ma parfaite Eloïse chantonnant tout en écopant à la fontaine une eau fraiche au creux de ses douces mains pour me consoler, moi qui me résignais mal à mon impuissance. Abélard ne bandait plus.

Les braiements d'un âne. Tous les soirs que Dieu faisait les femmes relançaient la sérénade. Un jour, à la rupture du jeune du Ramadan, du quartier des hommes et du troisième à n'en point douter un abruti complet se mit à leur hurler des insanités, et personne pour le faire taire, ni codétenu, encore moins les gardiens :
-Vos gueules-leeuh, salopes-peeuh, putains-ain-ain-ain. Montre ton cul connasse-seeuh !... et autres saletés plus vilaines. 
J'aurais aimé, qu'à se comporter ainsi il ne fasse pas partie de ma race, mais l'accent me persuada qu'aucun ramadan ne pourrait l'amener à la fermer ou à demander aux filles de poursuivre leur chant angélique, mais tous ces "putains-ain-ain-ain", c'était pas chrétien, Nom de Nom. Tout empli de connerie que cet abruti. Désespérant.

Ce fou haineux craignait Dieu tout en n'aimant pas les voix divines de ses créatures, ces femmes réprouvées des hommes, ces "connasses". Pourquoi ? Je ne sais, mais la réponse au berger ne tarda pas et, si le chant des bergères se tut, les grossièretés envoyées par dessus murs, cours et barbelés ne manquaient pas de piquant, la douceur et la candeur féminine n'y trouvant plus leur compte. Ni la poésie :
-Nique ta mère-reeuh, connard-reeuh. Enculé-éééh. Pédé de ta race-ceeuh ! Pointeur de merde-eeuh ! Faut dire que l'autre fada avait déchaîné nos nanas et, s'excitant de plaisir il en rajoutait toujours plus. Et elles répondais à l'envi.

De la psychiatrie. Au bout d'un mois que je moisissais à l'étage des "pointeurs", mon copain de cellule me proposa de prendre rendez-vous avec la psychiatre. Je lui demandais s'il n'était pas un peu taré :
-Les psychiatres ? Des fous parmi les fous, sauf 4. Je connais. J'ai travaillé avec eux. 
-Peut-être. Mais pas elle. En plus, elle est canon. Rien que tu la vois, mieux que la télé

Je ne savais ce qu'il voulait signifier par là, pas même si aujourd'hui je retranscris exactement ses paroles, mais mon codétenu excita ma curiosité, et quand elle vous tient, surtout en prison...
Je mis peu de temps à demander un rendez-vous avec la plus belle femme que jamais je ne vis, et ce n'est pas le manque qui me fait dire. Se fondant sur le rapport des arrivants, elle me demanda ingénument si je n'étais pas dépressif par moments et m'entretint sur la maniaco-dépression. Non, mais dis donc !
Elle me présenta quelques feuillets sortis d'un ordinateur que j'acceptais d'étudier en cellule. En relatant cette entrevue je sais maintenant qu'elle les avait écrits et que j'avais manqué alors, pour une fois d'intelligence. Etonnant, n'est-ce pas, mais devant tant de beauté, et la belle était si belle, et moi, en face abruti en manque de beauté, de grâce, de délicatesse, de parfum et d'odeurs de femmes, en un mot je devenais un ravi incapable de discernement !

-Docteur, sauf votre respect, la maniaco-dépression, une élucubration de psychiatres. Euphorie, tristesse, bonheur, malheur c'est  la vie toute en folie, non ?
Je lui suggérais de mener une étude sur la violence des jeunes d'origine maghrébine qui ne serait que la résultante de l'éducation par les femmes uniquement, le père n'ayant que la charge de présenter l'enfant dès sa circoncision aux autres mâles de la communauté. L'enfant ne pourra donc jamais tuer le "père" mais s'acharnera sur la société des "pères". Je suggérais même un titre à ce mémoire : Oedipe : incognito au Maghreb.

Quelques discussions en promenade. Dans la cour, j'avais pris l'habitude, avant de commencer à courir de prendre un quart d'heure pour discuter avec mes compagnons et j'étais certainement le seul qui parlait de sexualité, en commençant par la mienne. Se révéler pour autoriser l'autre à se parler, un truc d'éducateur. Ça marche mais il faut savoir interpréter les dire. Les entendre, quoi !
-Pas possible. Tu es obsédé, dis donc ! Le sexe, toujours le sexe ! T'as pas autre chose à la bouche.
-Depuis que je suis enfermé je n'arrive plus à bander, ça m'inquiète et faudrait pas en parler ?
-Parle pour toi. Moi, tous les matins je me réveille sur la béquille.

L'homme à la moto sur béquille. Le copain m'inquiétait : j'étais seul sans vigueur et lui regorgeait de sève ? Pas normal, tout ça. M'en ouvrir à ma psychiatre ? Du bromure dans la nourriture ? Allons nous faire rassurer, ce qu'elle fit sereinement par un :
-Rassurez-vous, pas de bromure : vous souffrez tous de ce trouble mais peu osent en parler. Et ça reviendra. Croyez-moi ! La dame parlait d'or !
Après ma sortie de prison, le même qui me parlait de moto et de béquille bien dure au matin m'avouera par lettres que, pendant toute l'instruction de son procès qui dura huit longs mois, il ne retrouva sa virilité avec bonheur qu'après sa condamnation qui seule le réinscrivait dans son humanité, tandis que moi même il m'aura fallu attendre bien après mon appel du 24 juillet pour retrouver une début de bandaison molle. 
Du 18 juillet, jour de mon arrivée en prison, Waterloo morne plaine au, 24 juillet 1702 et le Pont-de-Monvert, déjà 37 jours de détention. Ah, quelle histoire, mais que le temps me dure pour pouvoir enfin ériger une stèle à Marianne ou faire une carte de France dans mes rêves sur mon grabat !

Pas d'épanouissement sous les miradors. La sexualité contrainte par la mise en cellule à deux, voila la prison, toujours sous un regard, comme en un perpétuel jugement de l'autre, aussi la masturbation posait problème en cellule et, lorsque l'un refusait de sortir en promenade, il y avait fort à parier qu'il s'escrimait à se chercher pour se trouver entier, bien vivant. Rien qu'à l'odeur au retour, on ne pouvait que constater.
Mais, la sexualité passait aussi par les films "salaces" d'après minuit. Une horreur !
-Ça t'ennuie si je mets un porno ? Non, ça ne m'ennuyait pas, lui qui purgeait une longue peine. A jouir, il n'était que les films X.

Les films X pour les pointeurs. Photographe amoureux des femmes, j'aime suggérer les pulsions par de légères touches, aussi les films X n'étaient pas pour moi : trop de bestialité, trop de violence. Dégradant, bon pour soigner les pointeurs, seul remède que la prison leur propose.
Notre troisième compagnon de cellule se couvrait la tête de sa couverture en faisant semblant de dormir mais ne manquait aucun des dialogues des films de cul, j'en mettrai ma main à couper, et Dieu sait s'il étaient suggestifs, lui qui, venant d'Afrique en ayant eu affaire à des enfants me demanda, un midi, au Scrabble ce que signifiait ZOB...
-ZOB, c'est pas français... Ouais ! Si on veut, mais cherche bien. 

Eros et la poésie... Avant que je ne l'oublie, que je vous dise tout le bien que je pense d'une scène entre deux femme dans "le Dernier Empereur"... scène que l'aurais aimée imaginer : une splendeur ! D'accord, ce n'est que la tendre caresse d'un pied, en toute apologie de l'amour entre femmes, soit mais quelle douceur, quelle finesse dans la suggestion. Du grand art !

La salle des douches partagées. Pour nous, vieux détenus ayant passé par l'armée et jeunes fous de la permissivité sexuelle des années 70 qui, à la douche commune nous mettions à poil tout naturellement pour prendre un bain de bonheur, bézette à l'air, nous nous sentions libérés de la prison par nos fous rires, sauf qu'un jour, un jeune gitan de vingt ans se lamenta :
-Grand-père, tu devrais pas te doucher comme ça. C'est pas bien. Mets un slip.
-Oui, mais c'est bien pour moi, tu comprends ? T'occupe, on est habitués.
Ce grand-père, lancé en toute affection, je ne l'appréciais pas, et pas si sûr que c'était mieux de voler les câbles de cuivre de la SNCF et de bloquer les voyageurs dans les trains, plus décent peut-être pour ce jeune qui ne comprenait pas et n'acceptait pas d'être condamné à payer 800.000 euros pour les dommages occasionnés.
Je relatais l'évènement à mon pote français "pur porc", nous qui étions souvent tout nus le soir dans la cellule à visionner des films X pendant que le troisième faisait semblant de dormir :
-Envoie le chier. S'il te cherche encore, tu vois avec Akim.

La prison, c'est aussi de l'affection. Un jour,  mon ami Akim demanda au Poisson pourquoi il me crachait dessus. Sa réponse ? Ahurissante :
-Brassens, je l'aime bien. Il a des couilles, ce mec. Incroyable, mais vrai. Des couilles moi ? Moi qui avait maille à partir avec ma sexualité déficiente ?
Mais, que dire de cet officier qui lui permettait de me souiller en toute impunité ? Qu'il s'asseyait sur le Code de déontologie des personnels pénitentiaires par convenance personnelle, par bêtise, par affection pour moi ou qu'il n'avait pas de couilles parce qu'il craignait le 3ème étage de la prison et ses Animaux ? Pour seule excuse, je lui accorderais qu'il portait beau dans son bel uniforme bleu, avec ses deux barrettes de chef et que la beauté sait toujours se faire tout pardonner.


Bou g'hisane, ce malade mental, cet étron personnifié, déchaîné par tacite autorisation de mon officier de détention se prenait pour un marlou, toujours habillé à la dernière mode, portant chemise à col cassé comme pour signifier qu'elle était neuve. Ce Poisson était le seul à tourner dans son bocal dans le sens des aiguilles d'une montre, le contresens des insensés, toujours dans ses rêves à parler seul, droit dans ses chaussures italiennes, sérieux comme seuls les aliénés savent se montrer, ce mauvais garçon pensait se comporter en machos des films noirs américains des années 30-40, la démarche lente, chaloupée, empruntée.
Ce poète au verbe pondéré, au crachat de gorge choisi, roulé, aggloméré remonté, au jet effectué à la perfection, je le haïssais :

-Enculé, nique ta mère, ta mère la pute. Dommage que le Poisson possédait un physique ingrat laissant à désirer avec des yeux de merlan frit qui, malheureusement attendrissaient toutefois sa mocheté. Et gringalet pour parfaire le tableau, un clou de maigreur. Sa mère s'en était-elle excusée pour le consoler ?
Moi, à force j'avais bien appris de cet animal malfaisant :
-Ho, le beau gosse, tu t'es regardé ? Fais un procès à ta mère. Tu gagneras.
-Nique ta mère, la grosse putain. 
-Vrai. Même qu'elle travaillait dans le même bordel mobile de campagne que la tienne. N'oublie pas ton père, un légionnaire français et son petit coup en passant vite fait avec maman, sans capote. Alors quand elle te dit qu'elle t'a désiré... comme l'ânesse désire son ânon. Imagine, abruti d'arioul. 
 
Un beau lieutenant de la pénitentiaire. Et ce salopard de Poisson pouvait imaginer tout en m'aimant à sa façon. Heureusement qu'il ne me haïssait pas et qu'un lieutenant de la pénitentiaire, tolérant et respectueux en toute déontologie de Spitman, le cracheur le laissait tout à sa libre expression.
Mais, ce lieutenant, un beau mec au demeurant, baraqué vivant dans ce monde de fou qu'est la prison n'était-il pas excusable ? Et ne sommes-nous pas chrétiens et ne devons nous pas tout pardonner ? Je vous le demande.
Quand à tolérer les offenses d'un animal dangereux, Christ n'exige rien, voila pourquoi on se doit de le piquer, pardon à la SPA, mais il faut ce qu'il faut.

Toujours l'article 3 : Les valeurs de l'administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle de droit. 


De vous a moi, mon Capitaine, votre gentil lieutenant permissif sévissant dans votre "Maison de tolérance" n'aura-t-il pas signé les yeux fermés, tout comme vous ce Code de déontologie impossible à observer et pas que par manque de moyens, n'est-ce pas mon cher ? Par jalousie, par bêtise, parce que Patrice avait du charisme et devenait un détenu modèle, mais un emmerdeur quand même ?
Ne dites pas que je suis fou, mon Capitaine, vos vidéo de surveillance me feraient marrer comme un bossu aujourd'hui. On vous les a bien montrées, n'est-ce pas mais votre courroux ne s'exprima que lorsque je traitais de bourricot le plus fringant de vos surveillant du greffe qui m'aura trompé comme dans une corne de bois.

La cellule, dernier rempart. Seule havre de respect, de paix, de convivialité, de civilités et d'amitiés fortes, la cellule et le plumard vous mettent à l'abri de toute cette violence que génère la prison. 
Oui, seule la cellule protège des autres détenus et des gardiens, pas toujours mais souvent. Encore faut-il que ces incapables majeurs de détenus soient bien appairés, et pourquoi pas, et c'est là que se situe le rôle du Capitaine de la pénitentiaire qui peut vouloir casser Georges Washington ou le marquis de La Fayette dans le temps qu'il aidera Mouloud ou Xavier faisant ainsi montre de son discernement régalien.
Quant à l'accouchement des  lumières, à la béatification... au respect de la personne humaine, toutes affaires qui ne concernent pas la prison, on s'en doute bien un peu, certains affirment qu'on manque de moyens et de temps, d'autres de perspicacité et d'humanité. Mais, entre-nous, tous se foutent de l'état des prisons.

Une souris en prison. Ajout final en toute tristesse : il était un jour une petite souris et des hommes dans ma cellule de la Maison d'arrêt de Nîmes. La 110, je crois bien, la mieux foutue avec deux lits au sol. Tous les matins, vers les quatre heures elle nous réveillait en rongeant une des armoires pour faire sont nid. Elle attendait des petits, enfin c'est ce que l'on pensait, qu'on espérait même et elle ne nous gênait pas. Bien au contraire car elle était notre compagne des jours mauvais, incarcérée comme nous.
Et nous écoutions en silence les bruits de la vie, heureux de cette compagnie "féminine".
-Lui : On l'appelle comment ?
-Moi : On l'appelle Nana. 
 -Lui : N'importe quoi !
-Moi : Et pourquoi pas SNP ?
J'ai dû expliquer : SNP signifie sans nom patronymique. Donc, tout comme nous, déshumanisée, la souris, sans existence légale ne sera pas nommée. Tristesse que la prison.

S.N.P. serait-elle gravide ? Curieusement, pendant plusieurs jours on n'entendis plus les grignotages de la petite souris. Nous avait-elle fait ses petits ? Pensez, des naissances en prison ! Fallait-il les déclarer à l'administration pénitentiaire ? Nous hésitions fortement pour d'évidentes raisons. Aussi, la petite souris clandestine, nous la gâtions encore plus avec du pain, du fromage et de lait. Pensez, notre famille s'agrandissait pour nous réjouir. Des bébés à nous tout seuls !

Un imbécile heureux fait son boulot. Une après-midi, après la promenade nous vîmes deux détenus accompagné d'un gardien sortir de notre cellule. Ils étaient venus vérifier que le poison qu'ils y avaient glissé à notre insu avait fait son effet.
-Elle vous emmerdera plus, la souris. 
-Faudrait-il que je te remercie, connard ?
L'autre imbécile heureux croyait nous avoir fait plaisir.

En prison on grossit tout : une peine devient un chagrin. Un courrier reçu, une joie immense et une toute petite souris gravide, le paradis. La vie n'est-elle pas parfois folie douce, parfois furieuse ? Mais folie, surtout en prison.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire