samedi 23 septembre 2017

La langue de Marot. -3

Tout d’abord, je tiens à remercier le Pasteur de la chapelle évangélique du Vigan qui, le premier me propose pour ce vendredi 29 septembre une entrevue. Il décidera ensuite de la suite à donner.

Ensuite, reconnaissons à Calvin, qui a commis les aulcuns psaumes le mérite d’estimer qu’on pouvait faire mieux que lui en embauchant Marot pour que les psaumes en latin de l’église catholique le soient en françois qui devenait ainsi la langue « sacrée » pour être chantés aussi par les femmes qui en étaient interdites, compris de tous et, ce faisant remettre hommes et femmes dans un rapport direct avec leur Dieu, sans aucun intermédiaire, à la façon de David, Moïse, Salomon et autres lévites, le laïc devenant clerc.

Dans notre recueil de Psaumes de 1562 se trouvait toujours, en exergue un argument tiré par les cheveux qui resituait Jésus Christ, seul fondement de notre foi pour que nos réformés ne puissent pas penser que nous étions comme le roi David absolument certains que Dieu existât. En effet, seule la foi importait. Du peuple élu, soit mais notre rapport à Dieu nécessitait l’intercession du Christ.
Exemple d’argument en préambule, celui du Pseaume 96 de Théodore de Bèze, (Entre parenthèses la version moderne du poète Roger Chapal de 1970. A savourer.) :
Argument : C’est une description de la haute majesté de Dieu & de sa justice, afin que tout le monde s’humilie sous luy, & que toutes idolatries soient abatues. En la fin tous ceux qui le craignent sont exhortez à se fier & resjouir en luy.

Chantez à Dieu chanson nouvelle,   (Peuples, chantez partout sur terre)
Chantez ô terre universelle,                Le renouveau que tous espèrent !
Chantez et son nom bénissez,             Louez le nom du Dieu sauveur,
Et de jour en jour annoncez                Du merveilleux libérateur :
Sa délivrance solennelle.                     Sur notre nuit vient sa lumière).


Ceci dit, abordons la langue de Marot toujours belle dans ses paraphrases des psaumes de David, quand bien même on pourrait penser que le quidam se moquait parfois de Calvin et même lorsque Théodore de Bèze l’imitait en utilisant, comme lui des vocables passés de mode à l’époque.
Les psaumes de Marot. Tous ? Pas tout à fait mais soyons aussi généreux avec Marot, qui n’en aura paraphrasé que 49 qu'avec le roi-prophète David qui ne totaliserait qu’une petite moitié des 150.

Souvent, je taquine nos pasteurs et nos protestants :
-Préférez-vous les psaumes de Marot ou de Théodore de Bèze ?
-Ceux de Marot sont beaucoup plus beaux. Sans nul doute !
On peut être instruit dans les choses de Dieu et sortir une belle ânerie :
-Vous connaissez donc les vers de Marot ? Le vieux françois ?
-Heu, ben…
Moi-même, je ne m’arrête plus à vouloir distinguer Marot de Bèze tant ils sont liés et tant leurs paraphrases sont parfois identiques, se distinguant par leurs mêmes qualités et défauts, surtout quand Bèze tente d’imiter les archaïsmes de langue de Marot.

Lorsque l’on chante les psaumes de 1539 à 1562, je suis surpris par la modernité de la langue de l’époque. Tous les mots, presque toutes les expressions idiomatiques, tous les temps, toutes les conjugaisons, tous les accords de participe passé avec le verbe avoir, les M devant un P et un B, tout y est. Rien n’a changé sauf que l’accent circonflexe remplacera les S inutiles comme dans forest qui devient forêt et les imparfaits, les ois se feront ais, tandis que le j, le i et le y reprendront une place plus moderne ainsi que le z qui ne remplacera plus le s des noms communs.
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Considérant tout cela, je n’arrive pas encore à comprendre qu’avec tous les outils à leur disposition Marot et Théodore de Bèze ne nous aient pas proposé des psaumes plus « modernes » dans leur écriture. Et, pourtant, admirez nos poètes de la Réforme.
Exemple de l’écriture de Marot au Psaume 10ème  (écrit avant 1543) :

D’où vient cela, Seigneur ie te suppli’,
Que loin de nous te tiens les yeux couvers ?
Te caches-tu pour nous mettre en oubly,
Mesmes au temps qui est dur et divers ?
Par leur orgueil sont ardens les pervers,
A tourmenter l’humble qui peu se prise.
Fay que sur eux tombe leur entreprise.
 
Ci-git la modernisation de ce Psaume 10 de Théodore de Bèze par le même Roger Chapal en 1973. Tout un poème. Déplorable ! Comparez avec l’original ci dessus :
Pourquoi, Seigneur, te cacher loin de nous ?
Le pauvre souffre en ces jours de terreur,
L’impie s’acharne à le rouer de coups
Mais il se prend aux pièges de son cœur.
L’homme orgueilleux méprise le Seigneur :
« Si Dieu n’est rien, je ne suis pas coupable »,
Vont répétant tous ces insatiables.
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Ecriture de Théodore de Bèze au Psaume 92 (1551 ?) en italique et de Roger Chapal en 1970 entre parenthèses. Pour le fun :

Ô que c’est chose belle             (Oh ! que c’est chose belle                       
De te louer, Seigneur,                 De te louer, Seigneur
Et du Trèshaut l’honneur           De chanter ta splendeur
Chanter d’un cœur fidèle !         Au milieu des fidèles ;
Preschant à la venue                   Quand le jour vient de naître,
Du matin ta bonté,                      D’annoncer ta bonté,
Et ta fidélité                                  Et ta fidélité
Quand la nuict est venue.          Quand la nuit va paraître).
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Un siècle après la parution du Psautier de la Réforme, au dernier synode de l’Eglise protestante de Loudun en 1659 le dernier avant la révocation de l’Edit de Nantes, on demanda à Conrart (premier secrétaire de l’Académie française) de réécrire les psaumes de 1562 en françois plus moderne. Si on veut !
Ayant entre les mains un des derniers psautiers édités en 1919, je me mis à travailler les psaumes en pensant qu’ils étaient originaux.
Malheureusement, la versification de Conrart et les mélodies (revue pas Claude Goudimel) étaient altérées. Quand on pense qu’en 1551 la ville de Genève mit en taule pendant une journée Loys Bourgeois qui avait tenté de moderniser les premières mélodies.

Pour les musiques originales, je me suis procuré le psautier français (éd. Réveil publications. 1995), recueil intéressant qui ménage la chèvre et le chou en proposant, surmonté d’un astérisque des altérations musicales avec, parfois des mélodies légèrement altérées (normal pour les harmonisations d’après Goudimel, Jacques Feuillie, Alain Mabit, Claude Lejeune qui supportent mal le modal musical).

J’ai fini par acquérir LES PSAUMES en vers français avec leurs mélodies, fac-similé de l’édition genevoise de Micher Blanchier, 1562 (DROZ 1986).
Dommage que le titre du livre ne signale pas « en vers françois ».
A partir de cet ouvrage j’ai travaillé nos chants en transposant le musique de clé d’ut en clé de sol et en y ajoutant les barres de mesure absentes sur la musique originale (ce qui ne signifie pas qu’elle n’était pas mesurée comme de nos jours).

Le premier grief que l’on pourrait  faire aux concepteurs des psaumes originaux est de n’avoir sans nul doute pas créé un cahier de charges clair qui aurait lié les paroles à la musique ce qui fait que les versets de beaucoup de psaumes finissent avec un temps manquant ce qui gène la reprise du verset suivant. De même, il semblerait que les écrits de Marot et de Bèze ne semblent pas avoir passé par un crible de "censure" : trop souvent des longueurs pesantes, des redondances, des vers légers, une poésie parfois lourde et indigne d’un poète, aussi bien chez l’un que chez l’autre.
De 1526 (certainement le premier psaume de Marot, le sixième pour attendrir François 1er) à 1562, le français a évolué dans l’écriture des mots pour se stabiliser.

Conclusion de ce qui précède ? La langue de Marot et de Bèze me plaît énormément. Celle de Roger Chapal ? Bof !

Dieu pardonne tout, même à nos protestants d’aujourd’hui qui estiment que ce galimatias de Chapal serait poétique. Quand je pense que certains, dans notre bonne ville du Vigan me traitent de poète-poète… M’est avis que le barbu doit tirer une de ces gueules aux cieux. Quant à moi ?
Ben, moi ? Mais, je préfère encore mieux chanter la louange à Dieu en bons vers françois, et foin de cette bouillie moderne à la mode de Roger Chapal.
Sans rancune, man !


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